Aller pêcher, d'accord. Mais pourquoi pas seule ? [PV Kali]

J'avais quitté le camp, l'estomac plus ou moins rempli de poussière mêlée à un goût de poisson, la tête dans les nuages et dans l'ombre. J'avais répliqué que je n'étais pas un chaton qui passait son temps à se prélasser à ne rien faire, et l'avais suivie d'un pas léger. Je ne savais même pas pourquoi il m'avait proposé, à moi, énorme plaie et pas aimable, de venir avec lui. Cependant, l'occasion de pouvoir quitter ce camp d'affreux avait été trop bien pour refuser cette proposition. Je suivais donc tranquillement Esprit du Renard, habituée à obéir aux ordres des guerriers, dans pour autant me soumettre à eux sans rien dire. Mais là, mon âme était trop occupée à se demander ce qu'il m'arrivait pour grogner contre lui. Pourquoi pêcher avec de la compagnie alors que j'ai maintes fois l'occasion d'être seule ? Ça n'a pas d'intérêt. Ma vie prenait chaque minute une tournure étrange, laissant la monotonie de mon quotidien derrière.

Je ne dis rien de tout le trajet. Il pouvait bien me parler, j'aurais répondu. Mais je ne suis pas du genre à engager la conversation. C'est fou ce qu'il devait s'ennuyer en ma compagnie, alors qu'il a tout ce qu'il veut, lui. Et rien dans sa vie ne l'obligeait à supporter une apprentie arrogante et silencieuse lors d'une partie de pêche. L'avantage, c'est que cette histoire me divertirait et m'éloignerait de l'ennui et des remarques désobligeantes du camp. Toujours ça de bien.

Le temps était plutôt favorable, le ciel remplit de rayons éclatants, gorgé d'une lumière splendide. L'occasion rêvée pour aller pêcher. Au moins, peut-être deux ou trois poissons rapportée au camp m'assureraient la tranquillité pour le reste de la soirée. Je ne savais même pas où on allait. Je le suivait machinalement, les yeux dans la vague, comme tant de fois, comme si souvent, habitude si habituelle qu'elle est devenue presque normale. Mes yeux dorés étaient vides, remplis d'ombre et de brume, qui s'éloignaient quelques instants lorsque l'on me parlait, avant de revenir au pas de course. Ronde infinie. J'attendais juste d'arriver là-bas, de commencer la pêche, de me réunir avec mon esprit jusqu'à la fin de la journée. Entre songe et éveil.

 L'odeur de la frontière me fit ralentir lentement, avec un brin d'élégance, cherchant par ou aller désormais. On va pêcher non ? Alors, la rivière... Droite ou gauche ? Gauche, je pense. Sauf que ce n'est pas moi qui mène la marche -je n'appellerais pas ça « patrouille », nous ne sommes que deux- mais bien le guerrier qui pourtant, me suis. Pourquoi a-t-il voulu m'emmener pêcher, d'ailleurs ? Je n'en sais strictement rien, mais il doit bien y avoir une raison. Sa voix stoppe mes pensées, une voix l'indiquant de tourner à droite. On ne va pas rentrer tout de suite ? Pourquoi ? Aucune idée. Je ne sais rien de ce qu'il veut me montrer, mais ça ne saurait tarder. Comme portée par un souffle invisible, j'accélérai. Trottinant plus que marchant, presque courant, sans trop prêter attention à celui qui se trouvait derrière moi. Avant de m'arrêter, me stopper, d'un coup.

Une cascade se découpait devant moi, impressionnante, comme parsemée de poussières d'étoile. J'ai l'impression que tous les chats morts depuis le début de l'histoire des clans sont descendus ici pour illuminer cette eau. Plusieurs poissons crèvent la surface de l'eau, montrant un endroit riche pour la pêche, mais quelque chose me dit que nous ne sommes pas venu pour ça. Le vent est trop calme, l'eau trop belle, pour que nous soyons venu juste pour une partie de pêche. Sans prendre garde à ce que je m'apprêtais à dire, je me tournai vers mon compagnon de pêche -qui n'en était pas une- et fit travailler ma mémoire, sur les récits que j'avais entendu de loin, dans le camp. Des mots qui sortirent seuls, sans que je ne le veuille vraiment.

Il paraît que tu peux deviner les penser des autres en les regardant dans les yeux : c'est vrai ? Que tout chat, quel qu’il soit, qu'importe ses pensées, qu'importe ses origines, ne peut rien te cacher. Qu'il suffit que tu le fixe quelques instants pour tout savoir de lui.Est-ce simplement vrai ? Tout cela ne sont que des rumeurs dites par des chats guère malins de notre clan, qui n'aiment que les chats inintéressants, mais peut-être y a-t-il une part de vérité ?

Pourquoi je disais ça ? Je n'en savais rien. Mais je me rappelai des chats qui le regardaient de travers en affirmant maintes choses plus ou moins vraies, et cela était resté gravé dans ma mémoire.   Je n'étais pas particulièrement méchante, mais je n'étais pas idiote, et je savais reconnaître la pointe de peur dans la voix de certains. Et les plus superstitieux étaient parfois horrifiés à la simple vue de ce chat. Pourtant, moi, je n'en avais pas peur. J'avais rarement peur de qui que ce soit, et il ne faisait pas exception à la règle. Cependant, cette invitation dont je n'avais pas l'habitude m'avais légèrement étonnées, bien que je tentais de ne rien laisser paraître.