"Une bonne partie de pêche"

Le soleil s'était déjà levé depuis plusieurs heures et luisait fièrement au dessus de ma tête, me laissant conclure qu'il devait être un peu plus de midi. Les patrouilles tournaient déjà depuis l'aube mais pour ma part, c'était plutôt l'ennui total. Je n'avais été conviée à aucune d'entre-elle et, même si j'avais dormi plus longtemps qu'à mon habitude, je n'avais décidément rien à faire. Mon mentor était parmi les plusieurs absents ; je pouvais donc faire une croix sur l'entraînement. Je louchais malgré-moi sur le tas de poissons à quelques mètres de moi, sans pouvoir en prendre un ; je n'avais rien fait depuis des heures, on allait sûrement pas me donner l'autorisation de manger. Je finis par soupirer, songeant que les patrouilles frontalières étaient certes nombreuses, mais qu'il y avait peu de patrouilles de pêche de prévues. Et les poissons ne reviennent pas grossir le tas, eux.. Je me mis à regretter de ne pas avoir plus de mes huit lunes et ne pas être guerrière, j'aurais pu aller demander à une patrouille de pêche de venir avec moi et pêcher rapidement histoire de pouvoir, à mon retour, manger. En même temps, qui disait patrouille disait plusieurs, et je n'avais absolument aucune envie d'aller me balader avec quelqu'un, ce n'était pas mon genre. Et pourquoi aller à plusieurs, après tout? Une idée en tête, je me dirigeai vers un vétéran et lui demandai la permission d'aller pêcher. Il fut d'abord contre puis finit par accepter que je parte seule si j'allais directement vers les Berges Paisibles sans détour et que je faisais bien attention à ne pas pénétrer sur le territoire ennemi. Je me dis intérieurement que je n'étais pas idiote mais, de bonne humeur car j'allais enfin être seule, je me tus et partie en trottinant.

Les Berges Paisibles n'étaient pas bien loin et je les atteignis sans encombre au bout de quelques minutes seulement. Rien d'étonnant : qu'il me fasse confiance ou non, le vétéran n'avait pas vraiment l'intérêt à m'envoyer loin, au risque que je me blesse -bien que je comptais pas le faire. Le trajet m'avait calmée et remis d'une humeur calme, et la vue de ces îlots de sable doux renforça cette impression. Je me dirigeai donc lentement vers la rive pour commencer à pêcher -j'étais un peu venue pour ça- quand une odeur inhabituelle s'enfonça dans ma truffe. Fronçant les sourcils, je m'assis le plus silencieusement possible et renifla à nouveau. Je n'avais pas remarqué cela plus tôt -la verdure touffue tout autour de moi cachait en partie les odeurs- mais elle me piquait le nez plus qu'autre chose maintenant. J'avais déjà sentie cette odeur prêt de nos frontières, et à l'assemblée aussi. Un autre clan?  Une pensée affreuse m’envahis, de crainte que nous soyons attaqués. Je faillis rebrousser chemin et foncer vers le camp mais je me retins au dernier moment. Et si c'était juste une odeur ancienne ? Ou si je me trompais ? Je vais passer pour une idiote! Je décidai d'aller vérifier la source avant d'aller prévenir le camp, histoire d'être sûre. Mais j'avais maintenant deviné qui possédait cette odeur : le Clan du Vent.

Je m'approchai à pas de loup vers l'odeur et finis par distinguer une forme, qui se révéla bientôt complètement, juste en face de moi -j'avais avant pris soin de m'approcher face au vent, pour empêcher qui que ce soit de me sentir. Un immense soulagement m'envahit : l'intrus, devrais-je dire l'intruse, n'étais qu'une simple petite femelle, plus petite que moi. Elle était probablement apprentie depuis peu. J'étais maintenant suffisamment proche pour être sûre qu'elle était bien du Clan du Vent. Je compris qu'elle était seule, surtout qu'elle était tranquillement en train de pêcher. Un Clan qui viendrait nous attaquer ne se serait pas arrêté pour pêcher ! Elle s'y prenait maladroitement, je me mis même à me demander comment elle avait fait pour attraper les trois poissons qui trônaient à côté d'elle. Normal, elle n'est pas faite pour la pêche ! Je songeai une poignée de secondes à aller prévenir le reste de mon Clan puis me ravisai ; ce n'était qu'une apprentie plus jeune que moi, je pouvais bien m'en charger seule, je n'allais pas déranger tout mon clan pour ça et passer pour une mauviette après ! Et puis, cette histoire allait mettre un peu de piment à mon ennuyante journée. Je m'approchai doucement jusqu'à me trouver à quelques pas d'elle et lui sautai d'un coup sur le dos, tentant de la déséquilibrer et la faire basculer dans l'eau.