Un chaton sans nom, seul. [Seulement Poitrail Gris èoé]

Liberté. Ce pourquoi Poitrail Gris était sortie du camp aussi tôt ce jour-là. Une profonde et désespérante envie de liberté. Dès qu'elle fut dehors, la guerrière sentit le vent secouer sa fourrure grise et siffler dans ses oreilles. Elle poussa un profond soupire, presque de soulagement. Le quotidien du camp commençait presque à l'ennuyer. La femelle avait besoin de renouveau. Elle ne savait cependant pas où le trouver. Elle parcourut du regard la lande qui s’étalait devant elle. Le soleil l'illuminait peu à peu de ses doux rayons naissant, la vue était magnifique. La journée promettait de l'être tout autant. La patrouille de l'aube venait sans doute de partir, car elle n'avait vu personne d'autre qu'elle-même s'agiter dans les tanières. Elle prit une profonde inspiration. Oui, elle n'était pas là pour admirer le panorama. Elle le connaissait par cœur. Elle s'élança à travers la lande. L'envie de courir la démangeait. Elle n'avait pas de raison particulière à ça. La liberté, toujours. L'herbe lui fouettait le museau, ses pattes martelaient le sol, et le vent aplatissait son pelage sur ses flancs. Malgré tout, cela lui faisait un bien fou. Elle se revoyait petite, quand elle cavalait partout avec Petit Été et Petit Tonnerre, son frère et sa sœur. Un éclair de fourrure crème attira son regard sur la gauche. Elle s'arrêta dans un dérapage, alors que le doux fumet d'un lapin chatouillait ses narines. La proie l'avait bien évidemment repéré dans sa course folle, mais la guerrière s'élança aussitôt à sa poursuite, ne lui laissant aucune chance de fuir. Ou même de survivre. Elle la rattrapa en quelques foulées et bondit, toutes griffes dehors, sur la pauvre bête qui mourut sur le coup. Poitrail Gris l'enterra pour revenir la chercher plus tard. Les pattes encore tremblantes d'adrénaline, elle se mit en quête d'un point d'eau pour se rafraîchir. Même si tôt dans la journée, il commençait déjà à faire chaud, comme à chaque saison des feuilles vertes dans les landes. Elle erra quelques minutes avant de tomber sur un point d'eau. Avant d'avoir eu le temps de boire une gorgée d'eau, elle entendit des sortes de couinements plaintifs. Des pleurs. Et une odeur inconnue. Elle aperçut alors à quelques longueurs de queue de renard un chaton. Il semblait seul et abandonné. Le cœur de la femelle se serra et elle s'approcha doucement de la pauvre boule de poiles.

- Hey... Murmura-t-elle avec douceur, essayant de ne pas l'effrayer.

Elle donna un coup de langue sur l'oreille de ce chaton qui semblait si désespéré, si fragile. Il devait mourir de faim. Sans un mot, la guerrière grise fit rapidement marche arrière jusqu'à l'endroit où elle avait enterré son lapin et revient en quelques foulées vers la trouvaille qu'elle venait de faire.  Elle déposa sa prise et la poussa de bout de la patte vers la boule de poiles.

- Tu as faim ? Prends-en un peu si tu veux. Que faits-tu ici tout seul ? Tu t'es perdu ? Quel est ton nom ?

Poitrail Gris voulut poser d'autres questions mais décida de plutôt se taire. Elle se tapit au sol, se demandant s'il s'agissait d'un chaton abandonné ou bien d'un simple petit chat domestique qui c'était aventuré trop loin de son nid.                  

-Je n'ai pas de nom.. Je suis seule, ma mère est morte. Murmura la petite.
- Je vois... Répondit Poitrail Gris dans un souffle.

Elle posa sur la boule de poiles une regard triste. Elle comprenait parfaitement la perte d'un être cher, ayant elle même perdu sa mère étant petite, puis son frère et sa sœur. Puis elle sourit en voyant la chatonne presque se jeter sur la proie, et avaler la chaire tendre et goûteuse. Puis elle se tourna vers la guerrière, le regard hésitant.

- Tu es un chat sauvage qui mange les chatons..?

Poitrail Gris la regarda avec surprise, puis se mit à rire. Elle sourit chaleureusement à la petite qui semblait s'inquiéter. Non, elle n'était pas du genre à s'enquérir de l'état de ses proies avant de les attraper !

- Non ! Non bien-sûr ! Je m'appelle Poitrail Gris, et je fais partie de l'un des quatre clans qui se partagent la forêt, celui du Vent. Tu es actuellement sur notre territoire. Mais ne t'inquiète pas, personne ici ne ferait de mal à un chaton sans défense.

Surtout qu'elle ne semblait pas être un chaton ennemi qui s'était égaré. Non, elle n'avait décidément pas l'odeur de l'un des autres clans. Poitrail Gris prit un morceau de viande fraîche. Elle savait évidement que le Clan passait avant tout, elle avait bien sûr pensé tout d'abord à ramener sa proie au camp, mais désormais elle se voyait mal rapporter un lapin à moitié entamé. Et elle devina d’emblée que vu sa taille et malgré sa faim, la chatonne ne mangerait pas tout. Et puis elle n'avait rien pris en se levant, son ventre gargouillait. Elle s'excusa auprès du Clan des Etoiles tout en songeant que ce n'était pas la première qu'elle enfreignait un petit peu le code du guerrier. La guerrière reposa son regard sur la petite, se demandant ce qu'elle allait pouvoir faire de cette petite boule de poiles abandonnée...