Petite Aigrette [02/11/MiD]

Fly Me Far Away

On Earth

« Peacock…  Imagine-toi face à un F4F WildCat, tu ne peux pas voler si bas. Sinon t’es mort. »


La voix de l’examinateur, Etan McGuff, me fit sortir de ma rêverie. J’étais là, au tableau, face aux vingt-cinq élèves de mon cours. Nous savions tous où ce cours de navigation allait nous mener, à la guerre. Cela fait maintenant trois ans que la guerre commence clairement en Europe. Cela fait trois ans que nous sommes là, mon navigateur, Panther, et moi-même. Nous devons travailler sur terre en plus des exercices en vol. Car oui, nous allons rejoindre l’armée aérienne.

L’US Navy est venu chercher les plus jeunes des cadets de l’air pour construire une armée américaine aérienne de taille consistante. Les armées ennemies ont fait de même et les japonais nous attaquent déjà. Mais nous ne sommes pas assis dans cette salle pour les japonais. Nous nous préparons à pire, à Hitler. Il détruit déjà toute la Pologne, la France et l’Allemagne. Il prend le pouvoir, il veut le pouvoir, il ne l’aura pas. Nous sommes là pour ça.

Je retourne à ma place, au premier rang à côté de Panther. Nous écoutons McGuff d’une oreille attentive. McGuff n’a jamais fait de guerre, c’est vrai, mais je ne connais aucun meilleur stratège que lui. Il reprend au tableau, présentant la meilleure façon possible de vivre une situation. McGuff n’est pas qu’examinateur et professeur au sol. Il est surtout garde au sol, c’est lui qui nous gère, lui qui à la voix qui crisse dans le magnétophone. Mais depuis qu’il a perdu son navigateur dans une patrouille de chasse, il refuse de voler.

Mais revenons au cours. Panther et moi sommes dans la bonne moyenne de notre cours. Nous espérons conduire un de ces P51 Mustang pour les patrouilles de chasse, d’attaque des bombardiers lors de la guerre, car des bombes, il y en aura. Nous sommes le 18 mai 1943 et notre intervention américaine est prévue pour le 13 avril. J’ai peur, comme tout le monde, mais nous accomplissons notre devoir, nous protégeons nos famille. Je protège ma famille. Ma femme, Kate, enceinte, de 8 mois, qui va accoucher prochainement, et je ne saurai pas rentrer chez moi pour son accouchement, ça me désole tellement. Panther a lui aussi une femme. Et deux fils de 3 ans et le second 4 mois, ils sont adorables. Parfois je l’envie d’être sûre d’avoir connu son enfant avant de partir au combat.


« Tu viens, Peac ? »


Panther me sort de mes pensées. Tous les autres sont sortis de la pièce. Il est temps d’aller manger, de vivre la vie tant que nous sommes sûrs d’en avoir le plaisir. J’ai peur parfois. Je me lève et suis Panther dans les couloirs des bâtiments dans lesquels nous sommes cloitrés depuis des semaines. Panther et moi devons nous soutenir, cela fait des années que nous nous connaissons. On s’appelait déjà par les noms de codes alors que nous n’avions que huit ans. La vie était belle, le danger n’était pas là. Et nous sommes là, quinze ans plus tard, à vingt-trois ans tous les deux. Moi comme pilote, lui comme navigateur, et toujours autant amis. Nous mangeons à deux vite fait et partons rejoindre nos appartements. Nous avons une chambre, minuscule où nous vivons à deux. J’adore cette chambre minable, la vue y est délicieuse. Les avions s’envolent de là et les porte-avions sont là aussi.

Nous parlons de la peur, de tout car oui nous paniquons. Les nouvelles sont encore plus mauvaises aujourd’hui. Hitler avance, nous découvrons chaque jours des camps différents mais il ne tue plus tout le temps, il esclavage. Ce qui est pire parfois. Si tout dépendait de Panther, il serait déjà parti à la guerre. Il ne supporte pas de laisser ce massacre, je ne dis pas que je le supporte mais la peur domine. Je ne suis pas aussi tumultueux que lui mais je sais que je devrai y aller. Mon devoir, je dois le faire.


« Bonne nuit mec. Demain on vooole. »


« Bonne nuit. »


Les rêves allaient s’évader dans le ciel comme tous les soirs d’avant vol. Nous allons retrouver notre P51 Mustang, notre bolide. Car effectivement, demain, nous volons. Pour les exercices, nous devons vraiment dormir. Mes paupières sont lourdes. Je m’endors.