Rêves Mouvementés [Grisouille ]

Des milliers de fleurs. Un univers polychrome. Le ciel lui-même ne paraissait pas réel. Des dizaines de paillons animaient ces couleurs. Poitrail Gris se trouvait là sans savoir pourquoi. A vrai dire, peu l'importait, cet endroit était trop beau pour penser à autre chose que regarder. Elle n'était pas seul dans ce paradis. En effet, trois jeunes chatons passèrent en courant devant elle. Sans doute faisaient-ils la course. La guerrière voulut les suivre, mais elle les perdit de vue. A quelques queues de renard de là, ils reparurent, mais ils semblaient avoir atteint l'âge d'être apprentis. La chatte grise s'approcha d'eux, mais ils s'éloignait toujours plus. Comme si elle n'avançait pas. Elle se mit à courir. Le décors changea autour d'elle. Les fleurs s'évaporaient en milliers de pétales, les couleurs étaient aussi éphémère que celle d'un arc-en-ciel. La forêt prenait place, sombre, presque menaçante. Ces trois chats, étaient-ils... Un monstre passa en trombe devant elle, la faisait s'arrêter net. De l'autre côté du chemin du tonnerre, il n'y avait plus qu'un seul des trois félins. Les deux femelles se fixèrent, et l'autre sourit. C'était.....

- Brise d’Été ?

Le monde entier disparut, elle était seule. Loin de son frère.
Et de sa sœur.

Poitrail Gris ouvrit les yeux. Un rêve. Un simple et ridicule rêve. Elle se redressa et remarqua que le soleil devait être levé depuis un moment déjà. La plupart des guerrier était réveillé. Encore dans les vapes, la chatte à la fourrure grise poussa un léger soupire. Son esprit lui dictait de bouger, de sortir, de chasser, en bref, de s'occuper. ses pattes refusèrent d'obéir.

- Excuse-moi de t'avoir réveillé...
- Non, c'est pas toi...

Elle laissa sa phrase en suspend. A vrai dire, elle ne savais même pas à qui elle avait répondu. Poitrail Gris tourna la tête et aperçut Big Ben. Elle fit un demi-sourire. Le pauvre, il n'avait pas l'air dans son assiette. Le ton de sa voix était presque désespéré, lui-aussi, comme plein de douleur et de lassitude. Elle fixa quelques secondes, cligna des yeux.

- Hey, ça va pas ? Tu es malade ?

Big Ben ne répondit pas tout de suite. Poitrail Gris en profita pour entamer une toilette minutieuse, tout en gardant les oreilles aux aguets, de sorte que son camarade de Clan de croit pas qu'elle l'ignorait complètement. Il finit par relevé les yeux et leur regard se croisèrent un instant. Il demanda :

- As-tu toujours eu l'impression d'appartenir à ce clan ?

La guerrière s'arrêta. La queue de son interlocuteur se balançait sans cesse, il paraissait gêné. Elle ne sut d'abord quoi répondre. A vrai dire, la réponse était évidente. Ou plutôt, elle ne s'était jamais posé la question. Elle se souvint alors que Big Ben ne venait pas d'ici, qu'il n'était pas né dans un Clan comme elle, il avait été solitaire avant de rejoindre le Vent. Cette question signifiait-elle donc qu'il ne se sentait pas à sa place ? Ce fut au tour la femelle grise de se sentir mal. C'était une situation délicate, elle n'était pas très douée pour réconforter les gens. Et elle n'avait jamais eut à faire à ce genre de cas. Il faillit lâcher un soupir, voyant qu'elle pensait à son mai comme si elle était guérisseuse et lui malade. Elle préféra lui faire un sourire discret, réconfortant.

- En fait... Comme je suis née ici, j'ai grandi ici... Je n'arrive pas vraiment à m'imaginer loin du Clan du Vent...

Poitrail Gris se rendit compte qu'il n'avait pas grand chose en commun. Ils n'avaient jamais appris à bien se connaitre, bien que partageant la même tanière. Ca devait être chouette, aussi, un Clan où tout le monde se connaissait bien. A cet instant, la guerrière se jura de bien connaitre tout les membres de son Clan.

Le regard était vide, sans expression. Poitrail Gris se sentit soudain mal à l'aise. Bien-sûr, il lui était impossible de se mettre dans la peau d'un autre chat, elle ne comprendrait jamais les sentiments de son camarade. Ce dernier se leva d'un coup et passa un coup de langue sur sa fourrure. La guerrière grise de bougea pas. Même s'il faisait semblant d'aller mieux, elle voyait bien que c'était tout le contraire. Il lui adressa un sourire qu'elle ne lui rendit pas. Elle le fixa impassiblement, cherchant quelque chose à dire. Mais ce fut lui que parla en premier :

-Ca te dirait d'aller manger ?

Poitrail Gris finit par hocher la tête. Elle se leva à son tour et les deux guerriers se dirigèrent vers le tas de gibier. C'est en sortant de la tanière que la femelle grise se rendit compte qu'il était plus tard qu'elle ne le pensait. Cependant, les autres chats du Clan ne firent comme si de rien n'était . Une patrouille déposait des prises fraîchement attraper dans la réserve, et Gris sentit son ventre gargouiller. Elle s'arrêta et jeta un regard à son camarade. Non, il faisait partie du même Clan, il n'y avait aucun raison pour qu'elle ne le traite pas comme son ami.

- Tu sais... personne ne t'en voudra d'avoir un coup de barre. Et quoi que tu penses, on te considérera toujours comme un membre du Clan à part entière.

Elle lui sourit cette fois, d'un sourire sincère, et fit encore quelques pas pour arriver jusqu'au tas de gibier. Elle choisit un lapin bien gros et se tourna vers Big Ben.

- On partage ?

Poitrail Gris et Big Ben s'éloignèrent un peu du tas de gibier, afin de laisser le champ libre aux autres chats du Clan. La guerrière lança un regard à son camarade, mais il ne semblait pas avoir de préférence sur le lieu de leur repas. Elle choisit donc un bouquet de fougère, à proximité de la barrière de ronce qui entourait le camp. Ainsi, ils pourraient profiter de l'ombre offerte, car malgré tout, le soleil tapait déjà fort. L'été avait mis du temps à arriver, et tout le monde semblait apprécier cette chaleur revenue. Gris détestait la pluie, et elle se faisait moins fréquente que lors de la saison des feuilles nouvelles. La femelle grise lâcha sa prise et se coucha, vite imité par son ami. Aucun des deux ne semblait oser prendre la première bouchée. Alors, comme s'il avait lu dans ses pensées quelques minutes auparavant, Big Ben déclara :

-L’hiver est loin maintenant pourtant l’humeur entre les clans ne s’est pas pour autant réchauffée…

Poitrail Gris ronronna, essayant ainsi de détendre cette atmosphère plutôt tendue. Avant de répondre, elle se résolut à goûter à cette proie sous son nez, fraîchement attrapé par l'un des chasseurs de Clan du Vent. Le lapin était goûté et juteux à souhait, un vrai régale. Du bout de la queue, elle invita son ami à en prendre aussi. Le vent souffla doucement entre ses oreilles. La guerrière leva la tête pour inspirer le doux parfum de la lande qu'elle aimait tant. Elle appréciait le vent, cet élément dont son Clan portait son nom. Elle reporta son attention sur Big Ben et répondit d'une voix joyeuse :

- C'est vrai ! Mais heureusement, non ? Il faut bien un peu d'action, de temps en temps, sinon on s'ennuierait.

Bien-sûr, elle savait que les temps qui venaient seraient sombres, malgré tout, Poitrail Gris avait l'habitude de toujours voir les choses du bon côté. Elle en savait pas de qui elle tenait ça, n'ayant que de vague souvenir de ses parents. Derrière ses côtés un peu rebelles, elle gardait toujours le sourire. Cela faisait sans doute partie de ce que chacun porte en lui : une qualité.

 

- Tu as peut être raison et même si je ne comprends pas ton enthousiasme il est vrai que ça nous changera de notre routine…

Poitrail gris, qu'i s'apprêtait à reprendre une bouchée de lapin, se figea. Elle releva lentement la tête, fixant son camarade. Certes, la guerrière appréciait lorsque quelques événements bouleversaient le quotidien parfois trop monotone. Cependant, elle ne supportait pas pour autant la guerre, le sang et la mort. Elle savait au combien il était douloureux de perdre un être cher, ayant elle-même connu la mort de son père, sa mère et son frère. Et sa sœur qui avait quitté le Clan du Vent pour s'enfuir dans celui du Tonnerre suite à une dispute avec son apprentie guérisseuse avait fini par disparaître elle aussi... Presque inconsciemment, la chatte grise leva la museau vers le ciel.

*Brise d'Eté, Coeur de Tonnerre êtes-vous là-haut ?*

C'était une question stupide, bien évidemment, puisque en tant que guerrier de la forêt, leurs âmes avaient rejoint celle des chasseurs de jadis, le Clan des Etoiles. Poitrail Gris adressa un sourire désolé à Big Ben.

- Excuses-moi ! J'ai la fâcheuse habitude de prendre toujours tout du bon côté... J'ai toujours gardé une sorte d'espoir en moi, même quand tout était perdu. Alors, tu dois me trouver bizarre !

Tandis que son ami broyait du noir, elle ne faisait que sourire. Est-ce vraiment cela qui allait lui remonter le moral ? Elle n'en savait rien, mais de toute façon il était évident que ce n'était pas en restant assise à pleurer avec lui que ça irait mieux. Dans ce cas, que fallait-il donc qu'elle fasse ?    

 

-Non je ne trouve pas, moi-même je suis très pessimiste, il y a plusieurs visions de la vie, bonne ou mauvaise, les deux extrêmes….

Poitrail Gris hocha la tête sans un mot. Sans doute chaque option avait-elle ses avantages et ses inconvénients. La guerrière grise observa son camarade : sans doute était-il plus difficile de vivre en voyant la vie en noir. D'un coup, il lui sembla que le monde était injuste. Certains naissaient avec une vison positive, d'autre avec une vision négative. Cela voulait-il dire que certains avait la possibilité d'être plus heureux que les autres ? La chatte rit en son for intérieurs. Elle était ridicule ! La bonheur n'avait pas grand chose à voir avec la façon dont on voyait le monde. Imitant Big Ben qui commençait à se lécher les pattes, elle entreprit de lisser la fourrure en bataille de son dos.

-Je ne me sens pas bien, je crois que je vais finir pour de bon dans la tanière de la guérisseuse…Je n’ai pas envie. Les plantes sont immondes.

Il devait être tomber bien bas pour songer à se genre de choses. Depuis sa naissance, Poitrail Gris n'avait jamais connu de chat qui finissait sa vie chez le guérisseur... Elle réfléchit un instant, stoppant momentanément sa toilette. Elle tenta de se mettre à sa place, ce qui était difficile : si elle ne sentait pas bien, qu'aimerait-elle faire ? De quoi aurait-elle besoin ? Après la disparition de sa famille, qu'avait-elle fait ? Le Clan l'avait soutenu, bien sûr, et d'autres en avaient souffert aussi... La guerrière poussa un soupire discret, afin de ne pas être entendu. Elle se tourna vers son ami et lança de la voix la plus chaleureuse possible :

- Qu'est-ce qui te ferait plaisir ? Tu veux qu'on ailles faire un tour pour te changer les idées ?