Le vent de sang qui vient des plaines plombe nos vies de son danger |Fini|

Seth
Le vent de la mort t'enrhume la conscience.

Le crépuscule colore le ciel de ses nuances fauves. Une douce brume chargée de pollen caresse la plaine verdoyante. Les oiseaux animent la forêt mystérieuse, la rendant un peu plus accueillante. Le ruisseau émet de petits clapotis, on discerne les ombres écailleuses et furtives de ses habitants. Mais bientôt tomberai la nuit, et les démons reprendront le contrôle de leurs royaumes déchus. L’un d’eux veille déjà, ses deux prunelles opalines brillantes à travers le feuillage obscur. Il avait grimpé dans un de ces arbres quelques instants plus tôt pour se mettre hors de portée des félidés habitant ce territoire. Ils avaient pris conscience - du moins l’espion le pensait – qu’un imposteur squattait leur province. Cela faisait parti du plan de Seth. Insinuer le doute dans les esprits. Il les observait en silence depuis une saison maintenant, semant de rares indices un peu partout. Il avait changé plusieurs fois de cibles mais c’était ce Clan son référé, la nourriture était rare mais rien n’empêchait le solitaire d’aller chiper quelques proies ailleurs, dans le plus grand secret. Son mot d’ordre est : discrétion ! Il lui fallait encore attendre, le bon moment arriverait quoi qu’il arrive. S’il passait à l’action maintenant, tout serait fichu et son plan compromis. Pfff… Ses réflexions lui donnaient la migraine. Il s’allonge sur la branche et soupire d’aise. Mais cet instant de repos fut bref. Une odeur vient lui chatouiller les narines. Ses muscles se tendent aussitôt. Le vent lui apporte une fragrance connue, celle d’une apprentie d’un Clan. Il fronce le nez, cette odeur est assez dérangeante, lui rappelant que trop son passé. Il aperçoit ensuite la chatte s’approcher de la mare rayonnante. Il ne discerne pas très bien son corps, mais elle semble jeune et gracile. Pas vraiment une menace. Son pelage se fond parfaitement dans le paysage ; elle est aussi grise que les rayons lunaires qui colorent l’herbe les nuits de pleine lune. Seth bouge à peine pour pouvoir mieux l’observer. Comme si elle possédait un sixième sens, elle fait volte-face. Le noiraud se fige mais est frappé par son visage. Il ne l’a que trop bien (re)connu et là… c’est le drame.





« - Seth ! Seth où es-tu ?

Le jeune chat regardait la petite femelle avec un immense sourire, contractant ses muscles pour ne pas rire devant sa mine déconfite. Elle était belle son amie, son pelage de brume contrastant avec es magnifiques yeux jaunes comme le soleil. Elle était la parfaite harmonie entre le beau temps est la pluie, créant un arc-en-ciel partout où elle allait. Perdu dans ses songes amoureux, il ne l'a vit pas sauter sur le rocher où il s'était caché. Il sentie juste son poids s'écraser sur lui. Ils roulèrent ensemble sur le dos, leur rire éclatant parmi les arbres et la forêt, concurrençant les cris indignés des oiseaux et autres animaux dérangés par leur vacarme. Peu leur importait, il savourait juste la joie d'être ensemble, bercé par leur insouciance et leur rêve.

- Tu te rappelles comment on s’est rencontré ?

- Comment pourrai-je oublier ?

- C’est vrai que c’était causasse !

Elle lui sourit, et le noiraud posa sa tête dans le creux du cou de la jeunette, respirant toujours un peu plus l’odeur exquise qui émanait d’elle. Il se souvient de la première fois qu’il avait senti cette fragrance délicieuse. Cette journée restera gravée dans son esprit, immuable.

- Raconte-moi encore ! gémit-elle.

- Alors je me promenai tranquillement, comme ça…

- Non ! Tu errais à la recherche qu’une quelconque proie à voler, cervelle de gland!

Il soupira, étouffant un rire nerveux. Qu’il adorait ses interjections bizarres, ses expressions enfantines. Tout en elle n’était pour lui que pur bonheur.

- Arrête de me contredire, vilaine méchante chatte ! Comment veux-tu que je raconte si tu fais des commentaires toutes les 3 secondes ! lui lança-ti-il sur un ton ironique. Je disais donc que je cherchais quelque chose à me mettre sous la dent, quand je sentis tout à coup un fumet alléchant. Celui du sang. Mon estomac a réagit tout de suite et je me suis précipité vers la source de cette odeur. Et je t’ai trouvé, enclavée dans les ronces, tu ne pouvais pas bouger. Et c’était ton sang qui maculait les épines, qui souillait ton pelage de perle. J'ai voulu te sauver, moi avec mon poils qui flottait dans le vent!

- Ne fait pas l’enfant ! Tu ne voulais même pas me libérer !

- Hé ! tu aurais pu être violente ! On ne sait jamais avec les femmes.

Elle se leva aussitôt, retourna le félin noir et lui asséna un gentil coup de patte dans les côtes. Elle tira la langue et fit sa mine dédaigneuse.

- Allez Annette, fait pas la tête ! Et puis, puisque tu es si maligne, t'as qu'à la raconter l’histoire!

Elle fit demi-tour, et posa son postérieur avec un certain agacement. Elle lui jetait un regard dans le coin puis tournait aussitôt la tête, faisant mine de regarder des bestioles imaginaires. Devant le regard triste de son démon comme elle l’appelait, elle se tourna et lui sourit avec vengeance !

- Je fais ce que je veux, et puisque que tu déformes la vérité, et bah je vais te la donner ma version - véridique qui plus est - de l’histoire ! J’ai dû te faire chanter, et en échange de ma vie je t’aidais à chasser une souris. Tu me dois j’sais pas combien de vie maintenant avec tout ce que tu goules !

Il rigola et faucha une de ses pattes. La chatte grise s’étala par terre dans un couinement affolé et jeta une pomme de pin qui était à sa porté à la figure du solitaire.

- Tu as eu de la chance d’avoir sauvé la fille du Chef des Bohèmes. Sinon il aurait fait de la charpie de Seth, aussi beau soit-il.

Le chat au pelage noir d’ébène sentit tout son corps s’enflammer. Sa respiration se bloqua d’un coup et s’il avait pu, il aurait rougi jusqu’aux moustaches. Annette portait un regard ardent vers lui, chargé de désir et d’amour inavoué. C’était peut-être juste de la paranoïa. Son cœur battait la chamade, il ne sentait plus ses membres. La chatte cendrée s’approcha et déposa un bisou sur le nez du guerrier. Tout en lui semblait vouloir sortir de son corps. Son sang était comme pris dans un tourbillon. Il sentait son sang battre dans ses tempes douloureusement. Il inspira et étant pris de vertige, s’étendit au sol. La féline amusée pouffa et se blottit contre lui, accompagnant la respiration saccadée du noiraud par un ronronnement de plaisir.

- Moi aussi, je t’aime.»




Le guerrier inspire bruyamment, cherchant absolument de l'air pour remplir ses poumons. Les larmes coulent en torrent sur ses joues depuis ses yeux opalins. Cette jeune chatte lui ressemble tellement. Le même pelage, la même expression blasée sur le visage. Seul ses prunelles sont différents, et encore, elles sont exactement comme les siennes, aussi ternes que le plus gris des nuages, aussi brillantes que le plus éclatant des rayons de lune et aussi triste que le plus éploré des chats. Il fut secoué de spasmes si violents qu’il perdit l'équilibre et vint s'écraser au pied de l'arbre, rencontrant au passage quelques branches. Il continue à pleurer, la douleur coulant en lui comme le plus fluide des liquides. Elle remonte jusqu'à sa tête, la fracassant par sa puissance. Il veut hurler mais sa gorge est étranglée par les sanglots. Quelques larmes viennent glisser dans sa bouche, imprégnant ses papilles de leur saveur salée. Il regarde le firmament, en espérant y trouver un quelconque réconfort mais il croisa alors le regard morne de celle à qui il doit tout son malheur, une chatte de Clan qui plus est. Aie.

- Nuance -






« Je hais sa façon de s'humecter les babines, je hais la façon dont il fixe les gens, je hais la façon dont il donne les ordres, je hais la façon qu'il a de dépecer ses proies, je hais la façon dont il rit, la façon dont il sourit, la façon dont il me transperce de son regard, la façon dont il m'ignore, et pourtant, je suis raide dingue de lui. »

*****

Cap ou pas cap Nuance ?


Le visage de l'apprentie de son clan était déformé par la peur, dans ses pupilles dilatées, une lueur de vengeance brûlait intensément, mais la pauvre petite n'avait réellement aucune chance contre Nuance doublée d'un sanguinaire. Tôt le matin, les deux femelles étaient sorties du camps, espérant trouver un air différent à respirer. Elles avaient alors croisé Tornade d'Azur, le sanguinaire, le vrai. Et on en était là. Une simple question, mettant en doute la capacité de Nuance. Allait-elle le faire ? Son regard gris se baladait doucement sur la femelle dorée étendue sur le sol, la nuque baignant entre les brins d'herbe verte. Tornade d'Azur lui donna une pichenette aiguë sur l'oreille, il s'impatientait Nuance jeta un ultime regard là-haut, sur la voie lactée, les étoiles brillaient intensément, plus aucune trace de jour, plus rien, juste le sombre, et le l'obscure clarté de son âme qui se réveille en cette heure tardive. Les crocs en avant, les yeux pétillants d'un éclat qu'ils n'avaient jamais connu, les oreilles pointées vers sa victime, elle bondit. Durant son ascension en l'air, elle ne se pose aucune question, elle n'en a pas le courage. Elle ne fait pas ça pour savourer le sang ou la mort de l'apprentie, elle ne fais pas ça pour avoir le plaisir de voir la fourrure rousse de Lotus se gorger de son sang, elle ne fais pas ça pour entendre son dernier souffle faire frémir les brins d'herbes, elle ne fais pas ça pour voir les prunelles émeraudes de la chatte se révulser, non, elle fait ça car elle a trouvé son dictateur, elle a trouvé celui qui la dirige. Elle n'est plus qu'un automate devant lui, et espère en tous cas qu'il la remarque. C'est le moment ou jamais. Si elle le fait, Azur ne la prendra plus pour une mauviette, si elle le fait, elle pourra enfin lire dans les yeux d'un félin autre que de la pitié. Alors elle bondit. Le choc se passe si vite qu'elle a l'impression qu'il n'a pas lieu. Elle entend juste ce échos, ce hurlement qui tape et re-tape dans ses tympans, son sang bat si vite dans ses tempes qu'elle croit que sa tête va exploser, l'adrénaline jaillit dans ses veines, son souffle s'accélère, ses pattes se plantent rageusement dans la fourrure fauve de la jolie apprentie, et elle tue. Elle tue son premier félin. Et peu à peu, lorsqu'elle se rend compte de son acte, elle comprend alors que c'est elle qui meurt à petits feux.

Cap.

*****


La lune est bercée dans la noirceur de cette nuit qui n'en finit plus. Le scintillement des étoiles lui donne la nausée et le chant las des hiboux perchés sur leurs branches l'agace. Les yeux lançant des éclairs, elle se dirige silencieusement vers ce lieu ancestral qui lui donne la chair de poule. Sa queue traine derrière elle, gravant un sillon de poussière dans le sol. Ses coussinets apprécient la douce moquette qu'est l'herbe fraiche en cette chaude soirée. Les oreilles dressée, comme à l'affut d'une proie, Nuance s'avance. Elle semble être l'actrice principal d'un ballet de danse tant ses gestes sont gracieux, et sa démarche chaloupée lui donne un air inaccessible. Et pourtant, elle n'est aucun des deux. Ses pupilles aux couleurs pierre se frottent au dégradé de couleur qu'offre à présent le ciel. Tout est si beau qu'elle en est émue. Soudain, un bruit de larmes étouffé vient briser sa rêverie, Nuance ouvre grand les yeux, et dans un cri muet cache sa surprise. Qui est là ? Les crocs tremblant sous ses babines argentées, elle s'avance comme un prédateur, le doc arqué, prête à l'attaque. Elle attend alors son assaillant, puis, puisqu'aucun résultats n'arrive, se redresse. C'est à cet instant que s'écrase devant elle un magnifique matou. Lorsqu'il se redresse -aussi vite qu'il est atterrit- elle voit les larmes dévaler les joues creuses de celui-ci et ne peut s'empêcher de fixer les perles argentées. C'est réellement la première fois qu'elle voit un mâle aussi fort d'apparence pleurer. Les petite gouttelettes salées se perdent aux méandres de la fourrure sombre de l'inconnu. Elle ne sait où se mettre, alors elle ne dit, rien, reste là par pur soutien. Pourtant, la façon dont le mâle la dévisage la met mal à l'aise, elle recule de quelques pas, hésitante. Puis, de sa voix éraillée, lance sa réplique, doucement, au début, puis avec plus d'assurance.

- Un problème ?

Il ne sent plus ses membres, comme s'il se prélassait sur un nuage cotonneux. Il semble être dans un univers parallèle où son esprit a quitté son corps. Il respire à peine, sa vision est trouble. Il contemple le firmament, ne distinguant qu'une vague masse obscure. Toujours cette brume noire et épaisse. Elle commence à se dissiper. N'est-ce pas une illusion? Non, deux perles d'argent se pose au dessus de lui. La lune?

- « Un problème? »

Tout redevient net en un instant. La douleur refait surface. Il se cambre dans un spasme, haletant puis retombe. Ses souvenirs reviennent tel un tsunami enragé venu détruire les défenses si faibles du mâle. Il résiste, repoussant toujours un peu mieux l’attaque et l'arrière-goût d'un passé amer. Il se retourne maladroitement, ses pattes arrières supportant mal tout le poids de son corps chétif. Elles croulent, mais Seth reste droit, gonfle son pelage, dévoile ses crocs d'ivoire et fait jaillir ses griffes. Quel stupide félin il est! Il se redresse, au prix de nombreux tremblements. Sa colonne le fait souffrir, des muscles ont du être abîme durant sa chute. Mais ça, il ne le partage pas. Il reste impassible, figeant au maximum ses traits pour ne pas grimacer de douleur. Il a presque toujours géré tout seul, il a su contrôler au mieux les parties de son corps. Sauf une, et c'est là son point faible. Son coeur, ennemi indomptable et allié des adversaire qui le connaissent un tant soit peu. Il parait fort si on en juge sa musculature saillante qui se dessine sous son pelage de jais. Mais il suffit de briser l'écorce d'ébène qui le protège et voilà Seth, Dieu de la Mort, vulnérable.
Il jette un regard vil sur son ennemie qui reste pantois, puis observe un instant son environnement. Un rocher |pour l’assommer | un ruisseau |pour maquiller son meurtre| et un arbre |pour se cacher|. Il envisage en quelques secondes plusieurs échappatoires, et autant de plans d'assassinat. Mais ses remparts explosent. Il ne pourrait jamais lui faire le moindre mal. Il rentre ses griffes et s'assit d'un air résigné. Il se rend alors compte que son pelage est trempé. Il s’essuie les joues d'un revers de patte, et commence à faire sa toilette tout en surveillant du coin de l'oeil la chatonne. Puis avec dédain, il lui lance:

- « Tu m'attaques pas? J'suis un ennemi sur ton territoire et tu fais rien? Il doit être content ton mentor! »

Il sait pertinemment qu'il aura le dessus sur elle, le mélange ultime d'Annette et de lui même. Il veut la tester, briser son armure comme elle vient de le faire, indirectement. Parce qu'elle est trop semblable a son amour passé, parce qu'elle est trop parfaite! Il a envie de lui sauter à la gorge, de sentir son sang couler dans sa gorge juste parce qu'elle lui rappelle trop sa compagne bafouée. Et d'un autre côté, il veut la chérir, l'aimer comme il l’aimait elle, remplacer son amour perdu par un substitut. Ses pensées s'embrouillent et se mêlent. Son coeur se brise et se rebrise à chaque nouveau regard qu'il lui lance, son cerveau bouillonne. Il a envie de tomber à ses pieds, sentir la chaleur de son pelage tout contre lui, entendre son coeur battre et ses poumons se soulever. Il a envie de se faire pardonner.

Le regard du mâle la transperçait. Que cherchait-il à faire ? La rendre mal à l'aise ? Nuance agitait ses oreilles d'agacement, le visage fermé du mâle ne trahissait pas ses pensées. Il l'irritait. Sa façon d'agiter sa queue, sa manière de la dévisager sans retenue, cette intensité dans ses prunelles quand il croisait son regard, son museau entrouvert en un sourire presque moqueur et le simple fait qu'il ne parte pas en courant la mettait encore plus mal à l'aise. Il était qui pour lui faire face ? Nuance se redressa, bomba le torse et s'apprêta à le questionner quand elle vit, au fond des prunelles du mâle, autre chose que de la haine, autre chose que du dédain. Un aura de feu brûlait autour des pupilles noires de l'inconnu et un sentiment étrange s'en dégageait. Qu'était-ce ? Le regard du mâle l'implorait. Implorer de quoi ? d'un pardon ? D'une sentence ? De quoi ? L'attitude de l'autre, contrairement à ses regards furtifs, était une lance pleine de venin qu'il ne cessait de planter dans le coeur de la féline. Soudain, il parla. Peut être n'aurait-il pas du ? Nuance avala ses paroles. Il la fascinait. Il l'insupportait. Attirance de l'extrême.

- « Tu m'attaques pas? J'suis un ennemi sur ton territoire et tu fais rien? Il doit être content ton mentor! »

Nuance n'en croit pas ses yeux ni ses oreilles. Comment ose-t-il parler de son mentor et remettre en doute ses capacités ? Furibonde, et comme d'habitude inconsciente, elle se jette sur lui, le renversant de son poids. Elle le sait, il a l'avantage. Mais elle, elle a la haine, elle a la dignité et elle a le courage. Cela suffira-t-il ? Elle en doute mais ce ne sont que les quelques cartes qu'elle a en poche, elle doit donc s'en contenter. Se faisait expédier non loin. Elle retombe sur ses pattes, furieuse. Elle approche alors son visage si près de celui du mâle qu'elle peut en définir chaque pigments de sa truffe. Elle joue de ses charmes et lance, haineuse.

- « T'occupe, face d'huitre. Dans l'histoire, c'est toi qu'est bizarre, je te rappelle que tu tombes des arbres. »

La jeune femelle le fascinait. Elle bomba le torse, tentant vainement de l'intimider. Il sentit une vague de chaleur monter en lui, comme une langue de lave brûlante qui léchait avec délice chacun de ses muscles. Son sang battait dans ses tempes, chaud et régulier. Son rythme cardiaque marquait la cadence de pensées frivoles et décadentes. Il s'était pendant si longtemps senti abandonné. Un amant brisé, quoi de plus pathétique?! Mais lui, il en avait rien à foutre. Personne ne connaissait sa vie. Personne ne le connaîtrait jamais. C'est ce qu'il désirait au plus profond de son être. Il voulait à nouveau sombrer dans cette douceur illusoire qu'était ses souvenirs. Paradoxal. Ils lui procuraient un plaisir jouissif et en même temps, le détruisait à petit feu. Il reporta son attention sur la femelle de cendres. Dans son regard aussi lumineux que le sien brulait une lueur de doute. Il jubila de son coup de maître. En quelques secondes, il avait réussi à dérouter la chatonne. Un sourire mesquin se peignit involontairement sur son visage.
Cette mimique eut le don d'énerver la minette grise qui d'un bond, se jette sur lui. Son flanc de charbon se retrouva vite couvert d'une fine couche brune. D'un revers de patte, plus par reflex que par désir, il l'envoya bouler un peu plus loin. Il l'entendit tomber et s'en mordit la langue. D'un pas furieux, elle s'approcha de nouveau. Le mâle se perdit dans ses pupilles d'argent. Son visage était si proche...

- « T'occupe, face d'huitre. Dans l'histoire, c'est toi qu'est bizarre, je te rappelle que tu tombes des arbres. »

Il défaillit. Savait-elle seulement ce qu'était une huître? Il avait envie de tout partager avec elle, de lui dire qu'une huître, c'était un truc visqueux qu’on sortait de la mer. Que ça avait un goût salé, que c'était immangeable et que de ce fait, l'insulte était d'autant plus agressive. Mais ça ce n'était que futilité. Il se perdit dans ses méandres grises et lumineuses qui s’offraient à lui. Il détailla chacun des détails de son visage, sentit son odeur à ne plus en pouvoir pour imprimer à jamais ses informations dans son esprit. Le vent agitait leur fourrure. Et comme dans un vieux roman d’amour un peu pourri par le temps, le désir l'envahit, plus fort, plus dévastateur. Il la voulait, toute entière, de ses moustaches jusqu'au bout de sa queue. Et ce que Seth voulait, Seth l'aurait. Il voulait sentir son pelage, lui mordiller l'oreille en signe d'affection et un jour, peut-être, avoir des petits en sa compagnie, des clones de lui et d’Annette? Il s'y voyait déjà, au milieu d'un champs de fleurs, cachée de tout les regards, il... COMMENT POUVAIT-IL SONGER A DES CHOSES PAREILLES?! Effrayé par ses pensées perverses, il se dégagea d'un coup d'épaule de l'aura maléfique de la chatonne. Il couru, couru aussi vite qu'il put, tentent d'échapper à l'attirance malsaine qu'il lui portait. Le vent sifflait à ses oreilles. Le sol défilait sous ses pattes.



" Idiot! Idiot! "


Ces mots résonnaient dans sa tête. Depuis combien de temps courrait-il? Le paysage avait changé, l'herbe troquée contre un vulgaire sol stérile. Ses yeux le piquaient: la poussière, la sueur, mais les larmes aussi. Il ralentit, s'arrêta et contempla le firmament. Il repensa à elle, à cette femelle qui lui avait tant rappelé son amour déchu. Ce pouvait-il qu'elle le surveille de là-haut, qu'elle rêve encore de lui sa Bohème? Il l'avait trahi. Oh idiot pathétique! Quoi de plus c*l-c*l-la-praline? Toujours des paroles, de belles paroles et les seuls actes qu'il fait le dégoûtent! En voulant se faire pardonner, il avait plongé dans une spirale machiavélique. Fuir comme un lâche, la laisser pantoise et seule face à tous ces dangers que lui-même craint. Voulait-il lui ressembler, à ce monstre qui avait violée l'intimité de sa moitié?! Plutôt crever!