J'ai les yeux plus gros que le ventre, et alors ? [PV : Courage]

Le soleil ne s'était pas encore levé, pourtant, une femelle grise patientait dans la cour. Assise sur son arrière train, elle faisait sa toilette à coups de langue réguliers. Son pelage argenté obtenait de doux reflets bleutés. Elle possédait de grands yeux vides, leur teinte était grisée, presque aussi claire que la couleur des nuages. Justement, quelques cumulus se mouvaient dans le ciel, lentement. Sa fourrure était semblable à leur couleur. La minette se dandinait sur ses pattes, comme gênée. Pourtant, il n'y avait personne dans la coure, elle était seule, assise sur le sol poussiéreux. Elle baladait son regard sur la voûte céleste du ciel. Soudain, elle se campa sur ses quatre pattes et sortit du camps en trombe. La raison de son départ précipité n'était autre qu'un guerrier matinal qui émergeait de la tanière. Habituellement, elle n'avait pas le droit de sortir seule du camps, après tout, elle n'était qu'une apprentie. La chatte s'éloigna du camps rapidement, elle sentait dans ses pattes l'envie de liberté naitre. Des fourmis invisibles la chatouillaient sous ses coussinets. La chatte força l'allure. Elle allongea ses foulées, avalant les sentiers et les chemins. Le vent fouettait son visage au fur et à mesure que la vitesse s'amplifiait. Sur ses babines, restait plaqué une moue étrange, elle ne souriait pas, elle possédait une sorte de rictus glacé, figé sur son visage. Ses pattes tapaient le sol en rythme, sa tête dodelinait à chacune de ses foulée ample. L'air pénétrait entre ses poils argentés, lui décrochant des frissons tout le long de son corps. Son échine se hérissa, gonflant sa toison argentée. Un instant, la chatte se sentit voler, planer, accélérant encore, elle ferma les yeux et laissa ses pattes ralentir toutes seules. L'allure plus douce, elle grimpa une légère pente ensablée. Elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle était mais savait qu'elle se sentait mieux, après avoir couru.

Le sol sous ses pattes s'était durci. Une odeur sucrée envahit ses narines. Nuance essaya de la discerner, mais elle ne trouvait pas à quoi elle correspondait. Soudain, la chatte aperçut des petites cabanes. Elle s'en approcha et perçut l'odeur sucrée qui l'obsédait depuis son arrivée ici. Tout devint clair en un instant. Elle était sur les territoires du Tonnerre ! Aux ruches ! On lui avait parlé une fois de ces petites maisons remplies d'abeilles et de miel. Était-elle folle pour se rendre en territoire ennemi ? Animée par une soudaine ambition, elle approcha son visage de la ruche la plus proche. Les insectes vaquaient à leur occupations habituelles, bourdonnant et volant dans un vacarme pas possible. Elle risqua une patte dans la ruche, attrapant du bout des griffes quelques gouttes du liquide collant. Une première piqure la fit sursauter, une deuxième la fit reculer, puis, toutes celles qui suivirent la firent gémirent. Sa patte la fit souffrir quelques secondes avant qu'elle ne se rende compte que le miel était resté collé à ses griffes. Du bout de sa langue râpeuse, elle lapa une goutte du liquide sucré. Le miel glissa dans sa gorge, lui procurant un bien fou. La chatte sourit un instant. Soudain, une autre odeur, contraire à celle du sucre du miel, vint chatouiller son odorat développé. C'était l'odeur du Tonnerre. Nuance prit peur, même si elle n'était pas peureuse, tomber sur une patrouille à cet instant n'était pas la chose dont elle avait besoin. Rapidement, elle se jeta dans un fourré. Le soulagement l'envahis lorsqu'elle aperçut une simple chatonne. Elle émergea alors de son buisson, prête à filer sans demander son reste.

N U A N C E

Une chatte, certainement tout droit sortie de la pouponnière, venait de sortir des buissons. Son poil était gonflé, lui donnant un petit air terrifiant. Sa fourrure était d'un jaune d'oeuf, tous ses poils étaient bien haut, hérissés par la peur. Nuance eu un sourire.Ses pattes où sortaient de petites griffes acérées étaient blanches, presque immaculées. Sur son poitrail, les poils étaient eux aussi de la même couleur que la neige, comme si du bout d'un pinceau, un artiste s'était amusé à colorer la femelle. Nuance observa et eu un regard admiratif en voyant les muscles bandés de la petite chatte qui s'énervait sous ses yeux. Déjà bien formée pour son âge. Nuance remarqua juste pour elle, le premier avantage en sa cause était donc l'âge et la taille. Nuance était en train de détailler la fureur horrifiante qu'elle percevait dans les prunelles de la femelle rouquine quand celle ci lui sauta dessus. Nuance se dit qu'elle pourrait contrer son attaque en la repoussant. Cependant, Boule de Courage se jeta sur elle et lui décrocha un énorme coup à l'aide de sa patte. La douleur se fit sentir dès les premières minutes. L'hémoglobine jaillit en masse, glissant sur le visage angélique et qui cachait des choses de l'apprentie. Nuance s'apprêtait à répliquer quand l'ennemie bondit et roula au sol avant de revenir à la charge. Elle avait la vitesse. Nuance s'était préparée à recevoir une nouvelle baffe. Rien n'y fit. Son esprit démoniaque prit alors possession d'elle et elle se campa sur ses pattes argentées. Elle secoua la tête, envoyant des dizaines de gouttelettes pourpres sur le sol poussiéreux. D'un coup vif et rapide, elle tapa sur la nuque de la jeune femelle, espérant l'assommer. Elle la plaqua quelques secondes au sol la faisant mordre la poussière. Elle approcha alors sa bouche près de l'oreille de la chatonne et murmura pleinement, une lueur amusé dans les yeux :

- Tu ferais mieux de rentrer dans ta pouponnière, gamine.

Elle ponctua sa phrase d'un regard vers les Cieux. Même si l'envie de tuer l'envahissait souvent, elle n'était pas une sanguinaire qui tuait pour tuer. Elle, ce qu'elle aimait, c'était l'ivresse de la mort. Le passage avant la vraie mort. Le tunnel obscure où brille à la sortie une lumière étincelante. C'est ça qu'elle voulait, c'est ça qu'elle aimait. Se sentir partir mais rester encore. Franchir les frontières de l'au delà. D'ailleurs, y'avait-il quelque chose après ? Renaissons-nous de nos cendres ? Mourrons-t-on une deuxième fois ? Est-il possible de ressusciter ? Tout ça la chatte se le demandait. Elle se posait sans cesse une tonne de questions. Elle si il avait été possible un jour de revivre un instant de notre vie, elle aurait choisi sa mort. Même si elle n'était pas encore partie de ce monde, elle avait déjà une patte dans l'autre. Ses pensées étaient sans cesse tournées vers la mort, la mort hantait son esprit. Etait-il possible d'être messager de la mort ? du Diable lui même ? Son avenir lui semblait si incertain qu'elle préférait mourir qu'essayait de vivre. Rien sur terre ne la retenait vraiment. Personne. Un coup dans le flanc la fit revenir sur terre. La petite rousse s'était dégagée de son emprise et lui lançait des regards mauvais. Piquée au vif, elle semblait capable de redoubler d'efforts pour enfin mettre Nuance au tapis. Le problème était qu'on ne mettait pas Nuance au tapis. Jamais. Car même si elle perdait, ce qui n'était encore jamais arrivé, elle partirait la tête haute et non pas humiliée comme une lâche. La nature l'avait dotée de griffes, de crocs, certes mais aussi d'une âme. Et de sentiments. Et la lâcheté, l'humiliation, la honte ne faisait pas parti de son vocabulaire, de sa vie de tous les jours. Fière, elle l'était. Ou du moins, elle essayait de l'être au profit des autres. Boule de Courage ne voulait pas abandonner, peut être désirait-elle goûter aux griffes de l'apprentie argentée de l'Ombre ? Nuance sourit, encore une fois, un rictus glacial et sadique. Tout ce qu'elle était. Nuance avait un secret. Un secret démentiel. Et jamais, ô grand jamais, elle ne le dévoilerait. Bondissant sur ses pattes, elle redoubla d'efforts et sauta sur la femelle au pelage roux.