Il y a d'autres histoires qui n'attendent que moi. [PV : Mémo]

L'astre solaire disparaissait. La voûte céleste du ciel prenait de doux reflets rosâtres. Les nuages semblaient fuir un prédateur invisible. Le soleil, exerçant un dernier pouvoir avant de s'éteindre, laissant place à la nuit, monotone. C'est à ce moment là qu'elle bondit sur ses petites pattes argentées. Non sans regretter le ventre laiteux de sa mère adoptive, Petite Nuance s'élança vers cet endroit qu'elle n'avait jamais vu. Seulement en rêve. Oh Dieu quel rêve. Une fine brise fraiche s'engouffra entre ses poils, ébouriffant sa fourrure sombre. Elle atteignit vite les hauts plateaux. Aucun sentiments ne pouvait décrire ce qu'elle ressentait à ce moment là. Une sorte de béatitude. Elle se sentait voler. Ses pattes foulaient le sol en cadence, laissant derrière elle un sentier de feuilles rousses encore volantes. La chatonne accéléra aussi vite qu'elle pu. C'est ça qu'elle aimait. Libre. Comme l'air. Comme le vent. Comme ... peu importe. Cette sensation. Son ventre se noua et une nouvelle fois, sa course effrénée prit de l'ampleur. Elle allongeait ses foulées, gravissant les sentiers sans grande peine. Il fallait qu'elle revienne avant l'aube, sinon elle aurait à faire avec la reine qui s'occupait d'elle. Pourtant, au fond d'elle, une étincelle brillait, signifiant l'envie de désobéir. Écouter seulement sois. Son cœur ? Elle n'en a pas. Peut être. Après tout ce n'est encore qu'un bébé. Combien de fois, ses chers guerriers qu'elle admirait tant l'avait lâchement ignorée ou simplement saluée comme on salue une crotte de renard ? Pourquoi ? Pourquoi dans ce monde l'injustice régnait en maitresse sur l'amour et l'amitié ? Combien de temps régnerait-elle ? La chatonne se questionnait tout en ralentissant. Ses coussinets semblaient à vif. Pourtant, l'envie de faire demi-tour et de se blottir contre le pelage duveteux de ses frères et sœurs adoptifs l'écœurait. Elle voulait vivre d'elle même. Être libre, une nouvelle fois. Les fracas éternels se dressaient devant elle. Ses prunelles claires s'écarquillèrent. Rage et désespoir. Voilà deux mots qui vinrent à Petite Nuance en détaillant ce lieu. Elle se précipita. Reprenant sa course folle et grimpa le long de ce large rocher noir jais. Son coussinet s'entailla et dans un couinement, elle s'arrêta. D'un coup de langue furieux, elle arrangea les gouttelettes écarlates qui subvenaient, toujours plus nombreuses. Déjà, sur la pierre ébène luisaient du liquide pourpre. Elle lâcha un nouveau râle et continua son ascension. Arrivée en haut, elle jeta un coup d'œil en bas. Haletant, elle découvrit les cascade d'eau devenue sombre, plusieurs jets, semblant venir de nulle part, s'écrasaient les uns contre les autres, dans un fracas silencieux. La chatte s'avança, sa respiration se fit plus rapide. Son cœur battait la chamade sous sa maigre fourrure. Une patte. Deux pattes. Trois pattes. Quatre pattes. Une masse s'élevant dans l'air, le fendant en deux, dans un gémissement. Chute volontaire ? Ou tout le contraire ?




Un voile blanc cernait ses yeux. L'eau avait plaqué sa fourrure sur son petit corps recroquevillé sur lui même. Elle agitait ses pattes inutilement. Sa tête pendait au bout de son cou, sa gueule entrouverte. Seuls ses flancs montraient signe de vie. Ils se soulevaient régulièrement. Petite Nuance ouvrit les yeux. Le froid l'engourdit. Elle poussa une petite plainte, presque inexistante. Un chat approchait. Dupe, elle ne l'était pas. Pourtant, malgrès ce sentiment de peur, elle se sentait bien. Elle avait sauté. Osé sauter. Dans le vide. L'immensité qui se détachait sous ses petites pattes. Elle l'avait fait. Sa mère aurait été si fière. Pourquoi ? Oh bon sang. Elle l'avait fait.

Petite Destinée
« Alors que la nuit ramène la raison, une chatonne s’en remet à elle. »

Une chatonne sortit de son sommeil agité, elle avait entendu le bruit de l’eau, un bruit puissant, elle avait vu un énorme rocher et un point argenté tout là-haut. Un rêve bizarre, mais qui voulait résonner mauvais, elle soupira avec douceur et se leva sur ses quatre pattes. Sa mère et son frère dormait dans un profond sommeil, elle le regarda un moment d’un air plein d’amour et de tendresse, avant de se tourner vers la sortie du cocon maternelle. D’une démarche pleine de grâce, elle sortit de la pouponnière, du camp en étant discrète comme l’ombre d’une fourmi. C’était souvent qu’elle vagabondait la nuit, à la clairvoyance de ses présages, chaque soir, chaque rêve se réalisait sous ses yeux de façon surprenante. Mais aujourd’hui, elle avait envie de sauver ce rêve, de sauver ce point argenté qui avait de mauvaises attentions. Elle savait nager, mais est-ce qu’elle pourrait nager dans une eau de violence ? Voilà sa question, une réponse qui ne sera fourni qu’en étant dedans. Elle se cacha derrière un arbre qui bordait le camp, elle respira un grand coup, ses rêves, qui se réalisaient lui semblaient si bizarre, mais elle n’en avait encore jamais parlé, même pas à son père, Eclat de Flammes. Elle tourna la tête vers la tanière des guerriers où le guerrier devait déjà être dans ses plus profonds sommeils. Son observation ne dura qu’une seule et belle minute, avant de courir en direction de cet endroit assez lugubre pour une simple chatonne. D’après son savoir, cette terre s’appelait « les Fracas Eternelles », un nom assez froid qui en disait long. Mais elle avait un courage qui ne prédisait jamais, qui devait affronter toute sorte de choses et elle s’était promis de changer cet avenir si pauvre et triste. Sa vitesse se fit plus vite, elle sentait que si elle ne se dépêchait pas, cette lumière argentée ne brillerait plus, elle ne voulait pas, c’était un beau décor sur ce tableau sauvage. De loin, elle entendait déjà ses vagues, ce croisement de ses rivières qui se faisaient guerre, ils n’y avaient aucune paix là-bas, la mort y était et le bonheur n’avait jamais cohabité. Elle entendait encore la voix de sa mère qui lui disait que la perdre serait comme se perdre elle-même, pour elle sa mère était une grande femelle qui avait eu un cœur brisé par une ombre qui était son géniteur. Mais elle continuait d’avancer et elle savait d’avance que l’amour n’était point pour elle, sauf pour la détruire.

Elle arriva en cet endroit si sombre, de loin, elle voyait se point argenté mais sombre, elle ne bougeait pas, mais d’après son observation, elle cherchait quelques choses. Une réponse, une question, un souvenir, un avenir, un passé, un moment. La chatonne se mit à courir vers la descente en enfer, là où le bruit était plus fort que jamais, on pourrait se croire en pleine éruption, où une lave rougeâtre s’écoulait à travers la vallée. Pourtant cette lave était de l’eau, une eau cristalline comme celle dans son regard. Son regard se posa sur ce point, mais ce point finit par se déversait dans la coulée, un plouf se fit entendre, puis un autre. Petite Destinée avait sauté aussi dans la coulée, mais ce qui l’inquiétait c’est qu’elle ne voyait plus ce point, cette étoile. Elle plongea dans l’eau, telle une sirène à la recherche de son poisson son ami, elle vit un corps sombre mais brillant. Elle ne réfléchissait pas, elle prit ce corps en le mordant dans le cou pour le tirer hors de l’eau. Mais il y avait du courant, trop de courant et Petite Destinée était qu’une débutante, elle n’était pas un poisson dans l’eau, mais juste la gamine qui avait besoin d’une bouet de sauvetage. Elle agita ses pattes, en espérant trouver cette berge, elle savait que ce n’était pas la fin sinon elle aurait vu du noir. Mais les étoiles brillaient toujours, cette lune ronde lui éclairait la route. La médium suivit ce chemin et sortit de l’eau avec ce corps étincelant sous l’astre étoilé.

Petite Destinée émit un petit soupir, elle avait changé l’avenir, pour la première fois, elle eut un petit sourire, qui montrait qu’elle était fière. Elle secoua un peu ce corps tout petit comme elle était. Elle vit des yeux s’ouvrir, de sa voix angélique, elle dit :

« Un sauvetage qui a failli nous tuait, savais-tu que si je ne serais pas venu, tu y serais passée. Bella, il faut réfléchir des fois. Enfin bon, je m’appelle Petite Destinée et toi ? Point Argenté. »

Des bribes de l'incident qui venait de se produire lui revenaient peu à peu. Elle sentait l'eau pénétrer dans ses narines. Avant cela, un sentiment volé, une sorte d'adrénaline qui s'insinue dans vos veines et accélèrent votre pouls. Puis, le trou béant et noir d'une vague qui l'avale. Les flots l'engloutissant complètement, ne laissant d'elle que quelques gouttes d'hémoglobine incrustées dans la pierre. A cette image, la chatte grise avait sursauté. Son corps avait été secoué d'un long spasme. Elle avait ouvert les yeux mais le voile laiteux était toujours présent. Une chute. Non, un saut. Car oui, elle l'avait voulue cette chute. Oui, la chatonne argentée en était parfaitement consciente. Pourquoi ? Elle se sentait vidée, lassée, abandonnée par la vie. Pourtant, tout lui réussissait, elle était une chatonne motivée pour devenir apprentie, savait écouter et enregistrer, juste assez énergique pour la chasse et assez intelligente pour raisonner lors d'un conflit. Oui, elle avait tout. Sauf peut être quelqu'un sur qui elle pouvait s'appuyer. Les pensées de la chatte tournillaient maintenant, lui donnant un mal de tête terrible. Elle se redressa tant bien que mal et fixa la petite chatonne qui, malgré son âge et sa taille, avait quand même réussi à la sortir de l'eau. Une nouvelle fois, au lieu de parler, elle pensa. Petite Destinée elle, lança de sa jolie voix clairvoyante :

« Un sauvetage qui a
failli nous tuer, savais-tu que si je n'étais pas venu, tu y serais
passée. Bella, il faut réfléchir des fois. Enfin bon, je m’appelle
Petite Destinée et toi ? Point Argenté. »

Est-ce toi ? Celle sur qui je peux compter ? Point Argenté ? C'est moi ça ? Petite Destinée, quel joli nom. Pourrais-je te faire confiance ? On pourrait s'allier ? Chasser ? Se battre ? Jouer ? S'aimer ? J'ai besoin de quelqu'un de solide, car je ne le suis pas moi même. Besoin de quelqu'un qui à la tête sur les épaules. T'en sens-tu capable ? Crois-tu être à la hauteur ? J'y crois moi. Car je trouve que quand on sauve quelqu'un de la mort, c'est bien pour une seule et unique raison. C'est qu'on veut qu'elle vive.

La chatonne argentée agita sa queue en signe de salutation. Elle peinait à rester debout mais ne voulait pas faire mal figure, elle s'appuyait sur ses deux membres avant, abandonnant l'idée de rester debout. D'une voix encore chevrotante, elle répondit :

- Je te dois la vie. Certes, je n'en voulais pas. Enfin, bref, merci beaucoup Petite Destinée. Mon nom est Petite Nuance.