Granny!!

Les clochettes accrochées à la porte tintèrent lorsque je l’ouvris pour pénétrer dans le magasin. Une odeur de vieux bois et de poussière me parvint aussitôt. Joanna éternua, et comme à son habitude, Nathaniel se mit à se plaindre.

- Eli ! Pourquoi veux-tu absolument venir dans cette vieille baraque ! s’écria-t-il
- Arrêtes, Nate, nous sommes allés au magasin de sport tout à l’heure, maintenant, c’est à mon tour.

Ignorant les grognements de Nate et les éternuements de Joanna, je m’enfonçais entre les rangées d’étagères et de vieilleries. Depuis toute jeune, je m’intéressais à tout ce qui faisait parti du passé. Ma chambre était rempli de tout ce que j’avais découvert dans des magasins comme celui dans lequel je me trouvais : une dizaine de vieil photographie, deux ou trois téléphones d’époque, une télévision en noir et blanc et plusieurs cadres de peintres inconnus. J’avais l’impression que chacun de ces objets cachaient une histoire, triste, extraordinaire ou dramatique. On aurait dit que tous ces objets qui m’entouraient me chuchotaient ce qu’ils avaient vécu.

Un vieil homme posa alors sa main sur mon épaule, me faisant sursauter. Je me retournais vivement et détaillant en quelques secondes celui qui m’avait surpris. Je ne savais pas comment il faisait pour tenir debout : on aurait dit un cadavre recouvert d’une mince couche de chair et tentant de me rassurer de son sourire édenté. Sur son menton pointait une verrue grisâtre, et je vis avec dégoût des poils drus sortir de ses narines et de ses oreilles. Sa main osseuse saisit mon poignet, et le vieil homme me regarda de ces yeux globuleux.

- Cherchez-vous quelque chose, Mademoiselle ?

Un jet de postillons s’étala sur mon visage, mais ne voulant pas l’insulter, je ne faisais pas de geste pour m’essuyer.

- Non, je ne fais que regarder, merci.

Avec un dernier sourire, il lâcha mon poignet, et je poussais un soupir de soulagement lorsqu’il s’éloigna entre les rangées de vieilleries. Je continuais alors mes recherches, et j’arrivais alors devant une étagère particulièrement intéressante. À première vue, on ne pouvait voir qu’une couche de poussière et quelques objets sans importance, mais moi, je voyais tout autre chose. Un miroir à la poignée d’or orné de fleur artistiquement réalisé, aillant peut-être appartenu à une princesse à la chevelure dorée, vaniteuse mais au cœur pur. Une montre vieille de plusieurs siècles, figée dans le temps, son tic-tac muet. Chaque objet m’inspirait une histoire, mais alors que je m’apprêtais à partir à regret pour rejoindre mes amis que j’entendais se plaindre, je vis un objet qui m’attira comme un aimant.

Un vieil appareil photo, de ceux qui développent les photos dès qu’elles sont prises, semblait m’observer du haut de son étagère. Sa lentille était impeccable, l’appareil semblait encore fonctionné. Son unique œil semblait me fixé, me suppliant de l’emporter avec moi. Mon bras se souleva légèrement, semblant obéir de lui-même à un ordre silencieux que l’appareil lui aurait donné. Moi aussi, je voulais lui obéir, je voulais qu’il m’appartienne, que je puisse tenter de comprendre son histoire chaque fois que je le verrais dans ma chambre. J’avais déjà choisi son emplacement : sur ma commode, jusqu’à côté de la tête de mon lit.

Alors que je m’apprêtais à saisir l’appareil, le vieil homme revint à la charge, mais avec cette fois-ci, une expression grave. D’un ton sérieux, il me mit en garde.

- Cet appareil, tu dois l’utiliser avec précaution et intelligence. Fais-y bien attention, chuchota-t-il.

Sur ce, il prit l’appareil, me le mit dans les mains et me poussa vers la sortie. Joanna et Nate m’attendait, et ensemble, nous sortîmes de la bâtisse. J’observais le vieil homme qui était retourné à ses étagères, puis l’appareil dans mes mains. Avec un sourire, je montrais ma trouvaille à mes amis. Nathaniel me le pris immédiatement des mains, puis tout en marchant, il l’observa sous toutes ses coutures. Nate était un réparateur d’enfer, et si quelqu’un pouvait faire fonctionner mon nouvel appareil, c’était bien lui. Bientôt, nous arrivâmes à l’appartement de mes parents. Nate avait ouvert la boîte de la machine et jouais avec les fils. Il poussa soudainement un cri de victoire et brandit l’objet dans les airs avec un air triomphant.

- Voilà, Eli, il est à toi ! me dit-il en me tendant l’objet.

Le remerciant, je saisis mon appareil et entrais dans ma chambre. Sur mon bureau, j’avais déposé une collection de timbres collés dans un vieux livre brun. Portant mon œil à l’endroit approprié, j’appuyais sur le bouton. Un flash m’éblouit, et lorsque je me relevais, la photo sortait déjà de l’appareil. Je la saisis et observais la photo très clair du livre. Je me relevais pour la déposé sur mon bureau lorsque je constatais que mon livre avait disparu.

- Nate ! Rends-moi mon livre tout de suite !

Nathaniel entra alors dans ma chambre, me regardant avec un air surpris.

- De quoi parles-tu, Eli ? Je n’ai pas pris ton livre…
- Ah non ? Comme c’est étrange… Bon, ma sœur s’est probablement faufilée dans ma chambre et l’a pris. J’irais le récupéré tout à l’heure.

Reprenant mon appareil, je m’assis sur mon lit et pointais la lentille vers un bibelot que ma sœur m’avait offert. J’appuyais sur le bouton, relevais l’appareil et…

Le bibelot ! Il avait disparu ! Mais qu’est-ce qui arrivait ! Je m’apprêtais à interpeller Nate lorsque je pensais à ce qui pourrait arriver. Nate et Joanna était les plus populaires de mon lycée : je ne pouvais pas gâcher ma réputation en leur faisant croire que cet appareil photo faisait… qu’est- ce qu’il faisait au juste ? Il faisait disparaître ce que je prenais en photo ? Mais c’état impossible ! Avec peur, je déposais mon appareil sur mon bureau et rejoignais mes amis dans la cuisine.


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J’étais couchée à plat ventre sur mon lit en train d’étudier mes mathématiques. Joanna et Nate venait de partir, et ma sœur Alissa était sortie de la douche depuis quelques minutes. Comme je m’en doutais, elle n’avait pas pris mon livre. De toute façon, à 9 ans, qu’aurait-elle fait d’un livre de timbres ?
J’entendis alors les pas de ma sœur qui entrait dans ma chambre.

- Elizabeth ! Tu as un nouvel appareil photo ! Génial !
- N’y touche pas Lis, s’il te plaît.
Je retournais à mes études lorsque j’entendis ma sœur se diriger vers moi.

- Retourne-toi, Eli, m’ordonna-t-elle.

Je me tournais vers elle, et observait alors avec horreur la lentille de mon appareil photo pointée vers