Clan des Etoiles entend mes paroles [POUR TOUT LE CLAN][FIN]

La truffe en l'air, le visage au vent, le pelage entraîné vers les rafales peu violents, les yeux fixant le soleil à son zénith, je semblais ailleurs, perdue dans mes pensées. A vrai dire, je ne savais quoi penser. La forêt si calme me donnait les frissons. Aucun bruit ne résonnait à travers les arbres aux feuilles mortes.  Seul, le vent laissait cogner les branches les unes contre les autres faisant voler les chênes et leurs feuillages teintés de bruns. Leurs crissement lorsqu'elles frottaient contre le sol m'horripilait mais je n'avais d'autre choix que de supporter leurs bruits grinçants et inquiétants. Je jetai un coup d’œil en arrière avant d'observer calmement la clairière où plusieurs félins se tenaient. J’aperçus un groupe discuter de la patrouille de l'aube, ils semblaient tous tellement absorbés par les paroles du chef attirant l'attention que je préférai rester à mon poste et tendre l'oreille si des fois le sujet relevait de la plus haute importance. Il est toujours bon de s'informer des bonnes choses n'est-ce pas ? Autant que des mauvaises d'ailleurs...
Le regard posé sur un guerrier au pelage noir, je détournai les yeux cette fois-ci sur un patrouille qui venait déposer le gibier frais que venaient de récupérer guerriers et apprentis. Trois souris, un écureuil et deux oiseaux. Quelle chance, la saison des feuilles mortes était enfin tombé mais la chaleur était pourtant toujours aussi agréable, et nécessitait une bonne chasse pour chacun d'entre nous. De ce coté-là, nous ne risquions pas de nous plaindre. Dans quelques lunes, j'imagine que nous n'aurons plus autant de facilité...
Un cri aigu derrière moi retentit avant que je puisse me retourner et voir d'où il pouvait provenir. Un jeune chaton près de la pouponnière était prisonnier des pattes de son camarade de jeu. Ça devait être son frère, sans doute. Je me remémore un instant le bon temps où moi-même me roulais par terre, jouant avec une boule de mousse ou bien même une feuille morte. A cette époque-ci il est vrai que je ne détestais pas autant de choses. Comme le bruissement des feuilles jaunis ou brunis par la saison. Je prenais plaisir à faire tout et n'importe quoi, à désobéir aux reines qui se fatiguaient chaque jour à s'acharner sur nous et veiller à ce qu'il ne nous arrive rien. Fille unique, je n'avais d'autre choix que de me disputer avec les chatons de d'autres portées. Je me rends compte au jour d'aujourd'hui que c'était la seule chose qui m'occupait le plus. Je prenais plaisir à contredire mes compagnons de jeux qui cherchaient toujours à me tenir tête, comme les reines d'ailleurs. S'il y a bien une chose que je déteste et qui n'a jamais changé, c'est bien le fait de recevoir des ordres d'un autre. Qu'il soit mon aînée ou non. C'est donc pour cela que mes heures d'entraînements prenaient plus de temps que les autres chats de mon âge. Je n'aimais pas obéir aux ordres de quiconque. Et mon mentor a été le dernier à qui j'ai fait l'effort de lui obéir. Au début, je le reconnais ça pas été facile. Mais j'ai bien dû me résoudre à le laisser m'entraîner et faire de moi une guerrière. J'avais pourtant la soif d'apprendre et butée comme pas possible je passais mon temps dans un coin à répéter les techniques que mon mentor m'avait appris la veille. Je me cachais de ses regards pour ne pas qu'il sache que j'écoutais ses conseils et que ça m'aidait beaucoup. Que je m'entraînais pour y arriver, que ce qu'il me conseillait de faire m’intéressait énormément. Après sa mort, hélas je n'ai pas su lui dire, trouver les bons mots pour exprimer le fond de ma pensée, ce que je ressentais pour lui. Je l'aimais comme un père et même si je lui prouvais le contraire sa compagnie était un réel bonheur. Je n'ai pas fondu en larme, car je crois être impuissante sur ce point là, mais j'étais profondément attristée je ne sus aborder une conversation convenable avec quelqu'un depuis. Je crois avoir un cœur de pierre et je sais que s'attacher à quelqu'un ne résout qu'à la souffrance un jour. Je préfère entendre des critiques sur moi et me traiter d'insociable, je sais ce que je fais.
Toujours assise près de la tanière des guerriers j'attendis mes camarades pour la patrouille de chasse qui s'apprêtait à partir puis nous partîmes tous ensemble en forêt, chasser quelques proies que nous ramènerions un peu plus tard.
Lorsque ce fut l'heure de retourner au camp, je déterrai les proies que j'avais pris le plaisir de traquer avant de les poser sur la réserve de gibier qui avait bien diminué depuis le départ de la patrouille. Le soleil couchant, je lève la tête pour regarder les jolies couleurs du ciel avant de poser mon regard sur la meneuse qui venait de faire appel au clan entier.

- "Comme vous le savez, les temps ont été durs, on a bouleversé nos habitudes mais il est temps de les reprendre. Ce soir, un lieutenant va être nommé. Vous avez tous prouvé votre bravoure, vous avez protégé le clan et représenté nos valeurs. Je vous en suis infiniment reconnaissante. " Elle semblait tellement sincère que je ne pus m'empêcher de ronronner de plaisir. J'avais tellement hâte d'entendre le nom de l'heureux élu qu'une boule au ventre s'imposa. Je regardai autour de moi et vis que chacun d'entre nous murmurait à voix basse et priait chacun de leurs cotés pour peut être entendre leur nom dans la bouche de notre meneuse. Nous semblions tous vouloir ce poste, du moins presque. Obtenir ce rang serait un véritable cadeau et au fond, nous savions tous que le choix n'était pas pris à la légère et qu'il fallait vraiment le mériter pour l'obtenir, que l'on nous fasse confiance et être bien assez courageux. Pendant un instant je me décourageai à savoir que je n'aurais peut être jamais l'occasion d'être vue comme une guerrière si précieuse aux yeux de tous et que mon caractère m'empêcherait de gagner la confiance des autre, y compris celle du chef.
Celle-ci reprit calmement :

"J'annonce ma décision devant le clan des étoiles afin que l’esprit de nos ancêtres l'entende et l'approuve. Elle a su être à l’écoute et réagir en toutes situations…". Elle...Avais-je une chance ? Aurais-je cette honneur ? Je retins ma respiration le temps d'entendre le nom de l'élu comme si je m’apprêtais à couper le temps l'espace d'un instant et espérer obtenir toutes les charges qu'un lieutenant devait acquérir. Non...J'espère trop. Je sais que si je n'entends pas mon nom, je serai extrêmement déçue et jalouse de celui qui l'emporterait. Je ne prendrais même pas la peine d'acclamer son nom comme tous les autres se donneraient la peine avec un sourire aux moustaches comme s'ils étaient heureux de ne pas avoir eu eux-même ce privilège. Je sais que je serais incapable de faire semblant ou de faire ces efforts-là pour l'élu. Alors je baisse la tête et souffle violemment de désespoir, prête à retourner sur mes pas et m'enfoncer dans la forêt pour me consoler. Seule. Je me résous à rester là le temps d'assister à l'annonce du nouveau lieutenant, quelque part en moi je continue d'espérer. Mais, consciente que je serais incapable de m'imaginer entendre mon nom, mon cœur commence à battre moins fort.
Je lève le regard vers Etoile d'Orchidée qui, à ma grande surprise me regarde aussi. Elle ne regarde que moi. Mon cœur ré-accélèreNon, ce n'est pas vrai...Elle doit réfléchir à sa façon de l'annoncer. Si elle me regarde, ce n'est que parce qu'elle réfléchit, et rien d'autre. Mon cœur ralentit de nouveau. C'est le chaos. Un coup j'espère, un coup je me rabats. Je m'emballe pour une simple histoire d’élection, c'est n'importe quoi, je me sens ridicule. Mais ça vaut tellement pour moi que je me sens abattue de me dire que je n'aurai pas la chance de subir les charges d'un lieutenants. Le chagrin commence à m'envahir.


"La nouvelle lieutenante du tonnerre est Nitescence de la Rose. Félicitation !"Mon cœur bat à cent à l'heure. Mes yeux dans ceux de la meneuse je suis bouche bée. Je ne réalise pas en fait. Mon cerveau rame à comprendre que j'ai été élue comme je le voulais tant.
Si ça se trouve je me suis imaginée entendre Etoile d'Orchidée prononcer mon nom alors qu'elle prononçait celui de quelqu'un d'autre ! Mais tous les regards sont posés sur moi maintenant. Et les félicitation fusent de partout. Ils sont tous destinés à moi. Les félins s'approchent de moi tandis que je reste là, comme clouée sur place. Ils font semblant d'être contents pour moi, c'est ça... Je sais que certains doivent être fiers de mon élection, mais quel guerrier ne serait pas déçu de ne pas être à ma place ? Je laisse glisser un sourire sur mon visage. Je suis heureuse. Je suis incapable de remercier ceux qui m'ont félicité. Je suis impolie, mais tant pis, je suis contente, heureuse, plus que tout. C'est comme si j'étais tombée amoureuse de mon nouveau rôle. Bon, c'est peut être ça après tout. Il m'appartient, et c'est le fait de me dire que je suis en sa totale possession que me rends autant heureuse. Que je vais pouvoir inverser les rôles et décider de certaines choses. Au départ, ça ne va pas être facile je le reconnais. Mais j'y arriverai, j'en suis sûre.