Leave me alone with me. [Éclat d'Améthyste - Shade]

Le vent souffle, les arbres aux branches décharnées s'agitent. Un froid glacial s'engouffre sous mon pelage court et gris, à l'image du ciel d'hiver. Les feuilles glacées par les températures négatives craquent sous les impulsions de mes pattes durant ma course au travers des arbres. La bise fouette mon visage, fait pleurer mes yeux bleus. Mes pattes ankylosées par le froid s'enfoncent dans la fine couche de poudreuse recouvrant le sol de la forêt. Pas un bruit à part ma respiration sifflante, mes bronches et ma gorge sont irritées par l'air glacé. A bout de souffle, je m'arrête. Il ne me reste qu'une petite partie de mon territoire à arpenter, et mes frontières seront marquées. Je soupire. Si je n'étais pas seule, ce serait plus facile. Le goût du sang envahit ma bouche, je crache, tâchant le sol blanc, à l'image de mes petites dents. Agacée, je recouvre cette tâche d'une couche de neige ; pas la peine d'attirer plus de prédateurs. Je suis seule pour défendre mon territoire, chasser, mais surtout me défendre moi-même. Toutes les précautions sont bonnes à prendre.

Je me dirige maintenant vers le dernier soupir. Cette falaise ma toujours fait peur, elle est vertigineuse. Les rochers y sont taillés en pointes par le vent, et si je s'aventure trop près du bord, je suis sûre que la bise pourrait me pousser vers une mort certaine. je m'élance de nouveau, puisant dans mes réserves d'énergie. La faim me tiraille le ventre mais je l'ignore ; pas le temps de m'arrêter chasser. De toute façon, le gibier est très rare en ce moment.

Les yeux larmoyants, le souffle court, les pattes tremblantes, j'arrive sur la falaise grise. Un grand matou noir est assis, au bord du précipice. Son pelage tranche parfaitement sur le ciel gris pâle, et sa silhouette paraît particulièrement imposante. Le vent souffle dans ma direction, ce qui me permet de savoir de quel clan il vient ; tonnerre. Clan des courses au travers des arbres et de la chasse à l'écureuil. Je les connais par coeur. Les commissures de mes lèvres remontent haut, dévoilant mes crocs blancs comme la neige. Qu'est ce qu'il fait là ? C'est mon territoire. Moi, je ne vais jamais sur le sien, par respect pour ses semblables. Je suis une solitaire respectueuse. Les guerriers ne voient que leurs règles, uniquement 4 clans qui se partagent la forêt. Mais il y a aussi les clans de solitaires, ce n'est pas parce qu'ils vivent seuls qu'ils n'ont pas de territoire. Lentement, sans faire de bruit, je me glisse vers ce guerrier. J'ai envie de le pousser dans le vide, sans chercher à comprendre pourquoi il est là. Et pourtant...je brûle d'envie de savoir la raison de sa présence sur mon territoire.