The Second One. Amouur :D |30 Juillet / Swie|

Je saute, je danse. Sur les flots bleus, j’avance. J’ai la vie devant moi, peu importe le reste. L’horizon ne m’attend pas, je fuis la fin de ma vie. Je tourbillonne dans les airs, j’aperçois ma mère. Elle ondule à la surface, que rien ne casse. Son aileron gris comme le ciel, fend la mer, frêle. Et m’atteignent seules les gouttes d’eau, je veux juste bondir au dessus des flots. Je suis libre de mes choix, les malheurs ne m’atteindront pas.

J’ai toujours cru que j’étais au dessus de la tristesse, au dessus de ces Hommes qui ne pensent qu’à détruire ce que la Terre a eu la bonté de leur offrir. J’ai toujours pensé être heureux toute ma vie, qu’elle soir longue ou courte. Je ne vivais que pour m’amuser, poursuivre mes rêves comme je suivais les poissons sous les eaux de l’Océan, cette immensité se confondant parfois avec le bleu de l’horizon. Rien ne venait troubler cette étendue, à part quelques embarcations d’Humains de temps à autre.

Les Humains…ces créatures que nous tolérons sur notre territoire depuis des décennies. Ils ne sont pas méchants ; juste un peu bêtes. Ils n’ont pas notre perception du Monde, de la vie, et ils ne songent pas à sauvegarder leur lieu d’habitation. Mais peu importe pour notre communauté, car nous savons vivre en leur présence, comme le faisaient mes ancêtres, et comme le ferons mes descendants.

Parlons de ma vie. Cette petite existence planifiée bien avant que je naisse n’aurait pas due être troublée par cet événement. Qu’aurais-je fait, si ces mailles ne m’avaient pas capturé il y a quelques années ? J’aurais vécu heureux jusqu'à la fin de mes jours, au milieu de l’Océan, des miens, libre. Mais ma vie a été, on peut le dire, hors du commun. Mes ancêtres n’y auraient pas cru, et moi non plus si je n’avais pas été victime de ces infâmes créatures que sont les humains. Ca, c’est ce que je pensais avant de la rencontrer. Remontons dans le passé…

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« Sah et May, vous partez au récif. »

Le ton de mon père était encore une fois, sans appel. Le chef était le chef, certes, mais de là à aller au récif...May m’a regardé. Un air d’effroi passa dans ses yeux. J’avais envie de nager vers elle, et de l’entourer de mes nageoires protectrices de grand frère. Elle est encore jeune...pensais-je. Une fois le discours de notre chef de banc terminé, nous nous dispersâmes. Ma mère semblait au bord de l’évanouissement...ses deux petits dauphins, au récif ? Nous devions partir immédiatement, et je n’avais qu’une envie : Me réfugier contre ma génitrice, comme lorsque j’étais tout petit.

Le récif...une barrière de corail hyper fréquentée par les Humains. C’était simplement incompréhensible pour nous, les dauphins. Nous étions une communauté totalement pacifiste, et les perturbateurs n’étaient ici que pour...perturber. Tout membre de notre banc se devait de s’y rendre au moins une fois dans sa vie pour aller chercher des algues et des morceaux de corail, qui étaient nécessaires à la santé de tous. Pour May et moi, c’était le grand jour. Ou le dernier jour.

Nous nous éloignâmes du territoire de notre banc, sans un mot, nageant à un rythme soutenu pour arriver avant la nuit. May tremblait comme les courants un jour tempête. Elle était terrifiée. J’aurais voulu pouvoir la rassurer, mais je savais que rien n’y ferait. Chaque poisson que nous croisions me semblait être le dernier. Le récif était un endroit tellement dangereux...Les grands prédateurs sanguinaires aux longues dents qui jouaient de leurs muscles et nageoires dentelées me faisaient vraiment peur.

Nous arrivions. Le voyage, pourtant pas très long, nous avait fatigués. Etais-ce le stress, la peur, qui nous paralisait ainsi ? Le crépuscule s’était installé, et sous les eaux, tout paraissait sombre. May se blotit contre moi, et nous nous dirigeâmes, enlacés, vers une crevasse où passer la nuit. Tout en me disant que ce serait peut-être le dernière si nous étions surpris pas un prédateur dans notre sommeil, je sentis May se raidir sous mon ventre.
Les yeux exorbités, ma soeur semblait dans un autre monde. Tout en suivant son regard, je découvrais avec effroi un objet se dirigeant vers nous à grande vitesse. Une sorte de nageoire translucide, constituée de centaines de petits carrés, et qui semblait nous attaquer pour nous blesser. Je hurlais à ma soeur :

« May, nage ! Vite, abrite toi ! »

Elle maqua une pause, me regardant de ses yeux d’un bleu profond, aussi profond que les abysses, pendant que la mort semblait de refermer sur moi. Je me sentis tiré vers le haut, plaqué contre les mailles de cette nageoire des enfers. Ma dernière vision fut celle de ma petite soeur, muette de peur, tapie au fond des eaux, contre le sable. Je ne voulais pas qu’ils lui fassent du mal, qu’ils l’attrapent.

Je vis la surface de l’eau se rapprocher à vive allure. C’était la nuit, et pourtant une vive lumière m’obligeait à fermer les yeux. Je franchis la limite, d’un coup, entre mon monde et le leur. Je savais déjà ce qu’il se passait ; mon père et nos ancêtres nous avaient parlé, plusieurs fois, des Humains. Pour moi, c’en était fini. Ma courte vie auprès des miens avait été emplie de joies et de bonheur. Mais maintenant, c’était la fin.

Je fermai les yeux. Je ne voulais pas les voir. On me saisit aux nageoires, et je frémis. Je ne voulais pas me débattre, je savais que mes efforts pour rejoindre mon passé auraient été vains. J’avais basculé vers la mort, je n’étais plus de miens désormais. J’aurais voulu leur dire adieu, leur expliquer que je ne voulais pas les abondonner. Ma vie défila derrière mes paupières closes. Mes amis, mes parents, et ma soeur...May. Que faisait-elle, seule, au milieu de ce territoire aussi grand qu’était l’océan ? Retrouverait-elle un jour son chemin ? Je revis ses yeux aussi profonds que les abysses, emplis de terreur, et mes larmes salées coulèrent le long de mes joues. On me touchait, me trimballait dans tous les sens. De temps en temps, des lumières m’éblouissaient, mais je refusais d’ouvrir les yeux. J’étais déshydraté, même si on m’arrosait toutes les heures. La fin de la nuit se passa comme cela, et au crépuscule, je sentis qu’on changeait de lieu.

Soudain, on me fit glisser le long d’une rampe glissante, et en une fraction de secondes, j’aterris dans l’eau. Enfin...pensais-je. Je poussai un soupir de soulagement, et ouvris les yeux. Le blanc du sol et de l’eau m’aveugla. Troublé, je cessai de nager quelques secondes. Ou étais-je ? J’aurais voulu me jeter contre les parois de ce récipient où j’étais enfermé. Je fis brièvement le tour du bassin blanc, avec l’espoir de trouver un poisson, ou un autre dauphin pour me tenir compagnie. Mais je ne trouvai rien, le bassin était désert. Je détestais cet endroit. Je préfrais être achevé plutôt que de rester plus longtemps ici.

Après quelques heures, désespéré, à tourner en rond, une vibration se fit sentir dans l’eau. Un grincement, une onde, puis un sifflement. Un silhouette se dessina au loin, au milieu du blanc ambiant. Je crus mourir de surprise...Un autre dauphin ?!

La silhouette grise comme les nuages un soir d’orage glissa gracieusement vers moi. Elle fit trembler l’eau, et je l’apperçu. Une jeune dauphine, belle comme le ciel, gracieuse comme les vagues, au regard expressif. Aterré, je restai quelques secondes la bouche ouverte, comme un imbécile. Elle passa près de moi, et siffla doucement. Je lui répondis en sifflant moi aussi, et un dialogue se déclencha entre nous. J’affrontais son regard écrasant, son regard d’ange qui remit enquestion toutes mes convictions sur cet endroit.

Elle s’appelait Jiha. Je la contemplais dans chacuns de ses mouvements, m’étonnant à chaque fois de la voir tourner autour de moi. Je passai des heures entières à lui composer secrètement des poèmes. Le premier jour s’était passé comme un rêve, et je ne voulais plus jamais me réveiller. J’eus honte d’oublier ma famille comme ça, aussi rapidement. Mais je savais que je ne les reverrais pas. Fallait-il que je renonce à eux ?

Au crépuscule, une voix d’Humain se fit entendre. Apeuré, je frémis. Mais un seul de ses regards m’apaisa, et je la suivis. Elle remontai à la surface, et se dirigea vers le bord du bassin. Et c’est là que, pour la première fois, je vis un Humain. Une créature longues comme une tortue, et fine comme ceux de notre espèce. Seulement, la peau de cet animal était...claire. Je ne dirais pas blanche, mais un peu rosée. Il étaient pourvus de quatre sortes de longues pattes, avec des nageoires dentelées aux extrémités. Peut être étaient-ils des déscendants des tortues ?

A mon grand étonnement, Jiha se dirigea sans crainte vers lui, et il la toucha. Ils communiquèrent par le language ; il sifflait aussi. Au bout de quelques minutes, après plusieurs signes de sa part, je m’approchais. Il posa sa nageoir rosée, chaude et douce, sur mon aileron dorsal. Ce contact me fit frissonner, mais je sentis qu’il ne me voulait pas de mal. D’après le regard que m’avait lancé ma compagne, elle était fière de moi.

L’humain se retira, après nous avoir lancé quelques poissons morts, et nous nous retrouvâmes seuls. Jiha se plaça contre moi, dans un coin, et nous nous endormîmes. Cette nuit là, je ne rêvai pas de ma famille.