A la découverte de l'Inconnu. [Chocolat]

Il faisait chaud, en ce jour de printemps. Les oiseaux chantaient, et les fleurs sortaient de terre. Plutôt déprimant, pour Sauge. Elle aimait l'automne, et les dernières rayons de soleil. Jouer dans les feuilles mortes pendant des heures. Profiter de la viande encore charnue des proies avant l'hiver. Mais non. Les fleurs, les oiseaux, les papillons. Pff. La jeune chatte roula sur le dos. Elle était allongée dans la tanière des guerriers depuis l'aube, sans occupations. Rien à faire. La patrouille était déjà partie. La réserve de gibiers était tellement pleine qu'on ne voyait plus le sol. Se promener ? Bof. La guerrière connaissait son territoire comme sa poche à force de déambuler en long et en large pendant des heures. Mais c'était toujours mieux que de rester au lit à paresser. Peut être arriverait-elle à attraper une proie ? Un peu remotivée, Sauge se leva enfin, et fila hors du camp, direction la frontière du Clan du Vent. Lorsqu'elle arriva, une légère brise faisait danser l'herbe des terres voisines. Mais pas d'ennemis à l'horizon. Elle les longea à distance, consciente que c'était dangereux. La truffe au sol, elle commença à chercher une piste. Mais rien. Sinon le fumet indistinct d'un autre chat. Sauge continua, dans la lune. Elle stoppa. Un autre chat ? ... Ah oui. La chatte crème sentit le stress augmenter. Si c'était un guerrier ennemi, elle n'allait pas faire long feu, du bon côté du territoire ou non.

Effrayée, l'intéressée sentit son pelage se gonfler et ses griffes sortir de leur fourreaux. Un jeune chat marron clair galopait à toute allure en sa direction, les yeux écarquillés. Euh, qui c'est, lui ? Il s'arrêta à quelques centimètres à peine de la ligne invisible qui les séparait, complètement essoufflé.

Il s'ébroua, et contempla Sauge avec étonnement. Sa respirations était encore irrégulière, mais sa poitrine se soulevait de plus en plus normalement. Il resta là, planté, à fixait Sauge avec une expression étrange. Elle se sentit d'autant plus gênée.

- Je ne sais ce qe tu allais faire, mais au cas où tu le ferais par non-vigilance, je te préviens, c'est tout, répondit-il avec un agacement non dissimulé.

Le silence revint. Sauge fut peinée du ton énervé de l'inconnu. Qu'avait-elle dit de mal ? La guerrière se remémora tout ce qui venait de se passer. Elle avait été effrayée. Puis étonnée. Et ça s'arrêtait là. Pas de mal, à première vue.

- Je connais ton nom, car à l'Assemblée, je t'ai vu et j'ai entendu ton mentor t'appeller ainsi, commença-t-il. Mais si tu ne veux pas que je t'appelle par ton nom... dis-le moi...

Les yeux de Sauge s'agrandirent sous l'effet de la surprise. Il était possible qu'il ai entendu Etoile de Corbeau l'appeler lors de l’Assemblée précédente. Elle réprima un sourire. Étrange, cet apprenti. Il continua à la fixer. L'impression de gêne se manifesta à nouveau. Sauge essaya de la chasser, en vain.

- Heu... ravi de t'avoir connu... Heu, je dois aller chasser... Salut.

Sauge s'agita. Bizarrement, elle ne voulait pas qu'il parte. Et son envie de chasser avait disparut. Elle se racla la gorge, en lacérant le sol de ses griffes.

- Attend ! s'exclama-t-elle. Je ne connais même pas ton nom.

- Heu... Je-je m'appelle Nuage de chocolat... dit-il en se retournant vers Sauge.

Il baissa la tête, comme honteux. La guerrière s'en étonna. Était-ce à cause d'elle qu'il se comportait comme ça ? Une bourrasque poussiéreuse fit larmoyer les yeux de la chatte crème, et danser son pelage color point.

- Je... Je dois y aller. Désolé de t'avoir dérangé, hein ? Je vais.. rentrer, c'est ça. Je dois y aller... A un de ces jours j'espère !

Et il détala. Comme ça, sans rien ajouter. Néanmoins, son air perdu n'avait pas échapper à Sauge. Elle ne comprenait pas. L'avait-elle intimidé ? Elle était guerrière, à présent. Mais encore apprentie dans sa tête. Lentement, elle revint sur ses pas. La chasse ne l'intéressait plus. En fait, elle était crevée. Complètement lessivée. Une pie poussa un cri de panique au passage de la guerrière. Elle leva mollement la tête vers les branches qui formaient le dôme de verdure au dessus de sa tête. L'oiseau la fixait d'un air vide et apeuré. Elle ferma les yeux. Elle se rendit compte qu'elle ne voulait pas rentrer au Camp. Pas les pattes vides. La chatte crème s'enfonça un peu plus dans les bois. Pas la force de chasser.

Sauge ouvrit les yeux avec étonnement. La lune - sphère aux courbes irrégulières et à la teinte argentée - brillait d'une lueur blafarde dans le ciel. Des traînées d'étoiles couvraient irrégulièrement la voûte céleste. Elles rappelaient les lucioles. La guerrière s'étira paresseusement. Elle se trouvait dans un nid de mousse et des feuilles inconnues qui lui piquaient la peau. Une grimace résignée lui traversa le visage, et elle se mit à réfléchir. Des souvenirs embrumés lui parvenaient en vagues. Sa recherche d'un endroit tranquille et sûr pour pouvoir dormir, suivi par la confection de son nid avec ce qu'elle trouvait. Sauge regarda la lune. Elle n'était pas tout à fait à son zénith. Elle se dit avec amusement qu'elle venait de battre le record de la plus longue sieste. Un autre souvenir, d'un passé encore très proche, la pris au dépourvu. Sa rencontre avec Nuage de Chocolat. La réaction du jeune mâle lorsqu'elle lui avait parlé lui vrilla inexplicablement le coeur. Sauge n'avait pas l'habitude d'intimider - voire d'effrayer - les gens. Elle reposa pensivement sa tête entre ses pattes, en quête d'une explication logique à l'altitude de l'apprenti. Elle n'en trouvait pas. Peut être était-il tout simplement peureux. Sauge se mit en garde. La conversation qu'elle avait eu avec l'apprenti ennemi de devait pas l’obséder à ce point. Elle se remit sur ses pattes, encore engourdie. Je fais quoi ?