Over and Over. PV Nami

Les rameaux des branches se dénudaient de jour en jour un peu plus. Le sol s'était recouvert de son manteau de feuilles mortes, comme pour mieux se protéger du froid qui approchait. Tout était d'or et de feu. La fine bruine qui tombait depuis quelques temps n'était toujours pas parvenu à atténuer les couleurs vives d'un automne mourant. Les talus semblaient se noyer sous une rivière de feuilles toutes plus chatoyantes les unes que les autres. Les chemins et sentiers tracés depuis des générations par les clans de chats sauvages avaient disparut sous le linceul automnal, et le calme s'était abattu dans les moindres recoins de la forêt. Les oiseaux ne chantaient plus. Ils s'en étaient allé vers des contrées plus chaudes, où la mort ne les attendait pas chaque soir au creux de leur nid. Cet année encore, l'hiver serait rude. Cette année encore les maladies et la glace emporteront dans leur étreinte les vies des animaux les moins protégés. A l'abri dans sa tanière, Mélodie des Brumes contemplait les gouttelettes qui ruisselaient des brindilles séchées. Elles formaient une rigole devant l'entrée et s'écoulaient en flots impétueux vers le centre de la clairière. De temps à autre, un apprenti ou deux la traversait en courant, apportant une proie aux anciens ou cherchant simplement à se protéger de la pluie. Elle vit passer Nuage Pourpre. Son pelage roux avait éclairé un instant l'atmosphère sombre et maussade de cette journée, puis avait disparu dans l'antre des apprentis. Mélodie des Brumes continua à observer l'entrée de leur tanière, même s'il n'y avait désormais plus rien à y voir. Elle avait envie de percer les murs de ronces et d'herbes pour pouvoir y déceler la fourrure de son apprenti. Elle voulait le voir s'affairer autour de sa litière, le voir s'allonger et s'assoupir, observer son corps se soulever à chacune de ses inspirations, puis s'affaisser lentement. Elle voulait entrevoir son sommeil le plus doux et calme. Secrètement, elle espérait débusqué le défaut qui lui faisait si peur, elle aimerait tant pouvoir arracher cette lueur malfaisante de ces yeux pour qu'elle ne soit plus qu'un mauvais souvenir. Elle culpabilisait tant d'être impuissante face à la folie de son protégé. Folie qu'elle s'imaginait peut-être, mais qu'elle avait eu l'occasion de voir à l’œuvre plus d'une fois. A moins que ce ne fut elle qui se trouvait à la lisière de la démence? Elle frissonna et rentra la tête entre ses épaules. Les gouttes qui continuaient leur route vers la terre éclaboussaient ses pattes et son museau comme pour la rappeler à la réalité. Le ciel était pesant et l'humidité rendait la tanière étouffante et malsaine. Elle s'ébroua puis sortit sans plus se soucier de la pluie. Elle avait besoin de s'aérer l'esprit, de faire le ménage parmi ses idées noires. Elle marchait doucement, en posant précautionneusement ses pattes comme si elle pouvait éviter de les tâcher de boue. Le camp était désert. Ils avaient tous préférés s'abriter le temps de l'averse. Elle était la seule à oser sortir. Un pas, puis un autre, un de plus vers la folie.

Mélodie des Brumes n'avait jamais aussi bien porté son nom. Ses pattes la guidaient à travers les fougères encore debout, au cœur d'un léger brouillard. Il serpentait entre les troncs, stagnait à quelques centimètres du sol, enveloppant quiconque s'y aventurait. Mélodie aimait bien ce genre de situation. Elle aimait le contact frais et doux de la brume sur son visage, elle aimait cette sensation de caresse que proférait les particules de vapeur sur sa fourrure. L'ambiance avait un quelque chose de féérique et d'irréel, comme si la jeune chatte se trouvait maintenant à la frontière du réel et du rêve, devant la porte d'un monde qu'elle ne connaissait que dans ses espoirs les plus fantasques. La brume formait à certains endroits des formes qui rappelaient une grande farandole de fantômes qui s'évanouissait si l'on s'en approchait. Dans ces paysages où naissent les histoires effrayantes, Mélodie des Brumes puisait son envie d'avancer encore, de vivre plus loin. Elle y trouvait ce dont elle avait besoin, un peu d'imagination, un peu d'espoir, son souffle de vie. Elle traversa ainsi le sous-bois, suivant les filets d'eau et de brume jusqu'à la rivière. Le cours d'eau mena ses pas plus loin encore, en dehors des terres de son clan. Elle savait qu'elle pouvait rencontrer n'importe qui, n'importe quoi par-delà la frontière, mais ça n'avait pas vraiment d'importance. Elle serait seule avec son reflet dans les flaques d'eau, seule avec son ombre sur les feuilles mortes, seule. La pluie cessa aussi soudainement qu'elle avait commencé. La nuit était tombé particulièrement tôt ce soir là, l'obscurité ayant profité de l'amoncellement de nuages. Les étoiles perçaient à peine la noirceur ambiante, mais l'on sentait que le ciel se dégageait. Mélodie des Brumes n'avait pas envie de rentrer au camp. Elle se sentait libre ici. Libre, et c'était tout. Nyx revivait en elle, comblant les moindres de ses désirs qui s'étaient étouffés par les règles de clan. Ici, elle avait le droit d'être elle. Elle avait le devoir de vivre chaque seconde comme bon lui semblait et pouvait respirer un air aussi vif et pur que ne l'était son besoin de Liberté. Elle regrettait souvent sa vie de solitaire, mais elle avait une immense dette envers l'Ombre et son chef. Mélodie des Brumes était sortit de la forêt depuis quelques temps déjà. L'herbe écrasé lui indiquait un chemin suivit couramment par les chats. Elle ne l'avait emprunté qu'une fois. C'était avant. Elle le suivit sans trop y réfléchir. Elle s'était vidé la tête et ne pensait plus trop à ce qu'elle faisait. Tant que son cœur battait tout allait bien, alors pourquoi s'en faire? Ses yeux se levèrent inconsciemment vers les pans rocheux. Et son cœur s'arrêta.