Be or not be, that is the question. [FREE]

La lune étincelait et lançait avec ardeur les dernières touches lumineuses de cette journée. Elle venait de quittait son lit et de prendre la relève du soleil. L'astre roi avait disparu derrière les montagnes rocheuses, là où aucun chat ne tentait de se rendre. Aucun, sauf lui peut être. Le sourire collé aux babines, le félin immaculé stagnait du haut d'un pic. Il s'était rendu là-haut pour la simple et futile raison qu'il avait besoin de se sentir important, de se sentir vivant. Ce chat n'était point ordinaire et rêvait de l'être. Mais avec le temps, il avait appris à vivre avec cet handicap qu'était son insensibilité. Il se contre fichait de sa première dent perdue, de sa première moustache blanche, signifiant son âge avancé, non, il s'en foutait. Ce qui comptait le plus à ses yeux lui avait été enlevé, une par une, les choses qui lui maintenait la tête sous l'eau avaient disparue. A commencer par sa mère, tuée par sa sœur. Puis, Charme Fataliste, cette chatte à qui il vouait admiration et amour perdu, malheureusement pour lui, la féline avait d'autres priorités et ne lui avait jamais rendu ne serait-ce qu'une miette de tout l'amour qu'il lui avait porté.Son coeur s'était brisé, le félin avait était comme irradié de tout âme et de tous sentiments. Et le voici maintenant, la truffe en l'air, les oreilles pointées vers le vide, la fourrure ébouriffée par le vent. Il se tient, dressé, comme maître du monde, pouvant changer au gré de ses envies les plans de la Terre. Qu'il aurait aimé vivre normalement, avoir sa routine à lui, ses habitudes, ses amis, sa compagne, et peut être même des enfants. Mais non, pour lui c'était désormais impossible. Il n'était qu'un brigand, une âme détruite et saccagé par une femelle imprévisible. Vulgaire et sarcastique, il déplaisait à tout le monde, parfois, il n'avait même pas besoin d'ouvrir la bouche que l'inconnu avait déjà pris les jambes à son cou. Tourbillon d'Écume était terrorisé par cette solitude qu'il menait. Il n'était pas méchant, il avait juste sa vision bien particulière et personnelle des choses. Et il aimait qu'on les respecte pour ce qu'il était et non pas qu'on essaie de le changer pour un autre qu'il n'était pas. Pour lui jouer un rôle était idiot, mentir aussi. Il disait peut être cela car la seule chose réelle qui lui restait, sa seule dignité était son intelligence, son savoir, sa sagesse. La gâcher pour lui serait faire une erreur. Et des erreurs, sur tout son parcours, il en avait trop fait. Il trainait derrière lui un fardeau emplit d'erreurs, et pour n'importe quoi, il s'en séparerait. Car croyez le ou non, les erreurs qu'on fait, on ne se rend compte de la gravité que très longtemps après.

Une grotte lumineuse se dressait devant lui. D'apparence, elle ressemblait à une montagne creusée par la montée des eaux mais par les failles dans la pierre, une lumière jaillissait. Le matou s'approcha, la queue en l'air, et dressée comme un point d'interrogation. C'était d'ailleurs sa curiosité qui l'emporta et il se glissa avidement à l'intérieur de la cavité. Le félin au pelage blanc laissa quelques secondes à ses yeux pour qu'ils s'habituent à l'obscurité de la taverne. Il tâtonna doucement de ses pattes avant, juste pour trouver le mur. Lentement, il en suivit le fil. Il ne savait pas ce que représentait cet endroit, il ne savait pas où il était mais il avançait dans l'obscurité. Soudain, un bruit le figea. Il entendit des pas qui se rapprochaient de plus en plus, ne lui laissant d'autre choix que celui de s'arrêter et de faire face à inconnue. Le mâle resta de marbre, dans le sombre de la caverne, il ne voyait pas le visage de son interlocuteur. Il ne pu même pas discerner son odeur, à cause des senteurs de moisissures et d'eau croupie. La truffe froncée, il s'assit et le sol glacé le surprit. Il attendit patiement, non décidé à parler le premier. Et puis, dans sa vie si plate et sans aventures, il avait tout son temps. Même toute la nuit s'il le fallait. Au moins, ça égayerait ces journées.

La silhouette restait silencieuse, elle s'était installée juste en face du matou blanc. L'obscurité laissait une part de mystère. Ni l'un ni l'autre ne savait qui était l'un et qui était l'autre. Ils tentaient, par tous les moyens de découvrir le moindre indice, sans résultats. Cette sorte de barrière invisible qui les séparait plaisait à Tourbillon d'écume. Il n'avait jamais aimé dévoilé sa personnalité, ou encore se présenter. Les femelles généralement le dévorait des yeux, bien qu'il s'en contre fiche, elles étaient séduites par son pelage étincelant et ses prunelles où brûlait cette teinte azurée. Les mâles eux, le regardaient avec dédain, le provoquaient avec des regards obliques, faisaient rouler leurs muscles sous leurs fourrures lustrées. Lui ne trouvait rien à redire, il ignorait leur comportement et s'enfuyait rouler des mécaniques plus loin. Encore une fois, se mettre en avant pour lui était bête. Quand on regardait bien, tout lui semblait bête. Il se foutait du monde. Il s'en foutait tellement qu'il venait par se foutre de lui-même. Il ne faisait plus attention à son pelage, prenait juste la peine de se nourrir pour ne pas crever de faim. Cela pouvait être idiot, quand on y pensait, il n'avait plus rien qui le rattachait à la Terre et pourtant il s'entêtait à vivre, à se plaindre et à embêter le monde. Il disait souvent que puisqu'on lui avait fait ce don qu'était la vie, il se devait de remplir le contrat amené avec. Souvent, en présence de femelles, il parlait de philosophie, sortait quelques vers arrachés à un poème ou bien encore, il parlait en prose. C'était sa façon à lui de s'exprimer. Il s'amusait aussi à plaider coupable lorsqu'un malheur s'abattait sur la forêt. Une fois, il avait croisé une patrouille qui recherchait un criminel. Volontaire, il s'était dénoncé comme criminel, ce qui bien sûr n'était autre qu'un mensonge. On l'avait trainé jusqu'au milieu du camps, les regards braqués sur lui. Un chat s'était avancé, il nota plus tard que c'était le chef, et avait simplement dit "ce n'est pas lui". Ces quelques mots, ces paroles bafouées l'avaient relâché. Brigand de la nature, il avait débuté sa vie de solitaire d'un soir.

Le mystère obscure qui unissait les deux félins plut à Tourbillon d'Écume. Le noir et le sombre l'avaient bercé depuis tout petit, depuis sa tendre enfance, il baignait dans cette ambiance étrange qu'était une vie sans lumière. Il n'avait jamais eu ces éclats de lumières qu'on retrouve l'été, au matin. Il n'avait jamais vu naître sur un visage un sourire dû à son approche. Il n'avait jamais vu le regard envieux d'un chaton se poser sur lui. Il n'avait jamais vu les yeux gourmands et fiers d'une futile compagne. Il n'avait réellement jamais mis les pattes dans de la boue, n'avait jamais éclaté de rire au point d'en avoir mal aux tripes, n'avait jamais croqué dans une proie tout en bavardant, non jamais. Et pourtant, il s'en foutait pas mal. Le simple fait que sa dernière discutions remontait à plusieurs mois et que son interlocuteur était une chouette ne lui faisait pas froid dans le dos. Il était fou à lier. Sa vie était constituée de fragments de tristesse, de quelques brins de moquerie et d'une touche d'humour. Humour noir bien sûr, il n'avait pas le potentiel pour faire rire les autres, non, généralement, il les faisait fuir. Il n'était pas repoussant, au contraire, mais les autres n'appréciaient pas ses visions du monde, et lui, il était entêté à les garder.

"- Hello, je dérange ? "

Comique. La voix glaça le coeur du félin blanc. Un mâle. Les échos presque silencieux des paroles de l'autre retentirent pendant quelques secondes, s'entrechoquant contre les parois abimées de la grotte. Toujours dans le sombre. Allaient-ils rester là, à quelques queues de renards l'un de l'autre et à discuter sans connaitre l'identité physique de l'autre ? Tourbillon d'Écume poussa un petit soupir incompris. En quelques sortes, oui, il le dérangeait. D'autre part, non, il ne dérangeait pas. Le mâle au pelage idem à la neige orienta son regard vers une fente lumineuse dans la pierre éraillée. La lumière filtrait en petite quantité, ne permettant pas à la caverne d'être complètement éclairée. Une lumière tamisait le plafond, seulement le plafond, laissant sombrer dans le noir tout le reste de l'habitat. L'esseulé reporta son regard sur le visage de l'inconnu qu'il ne voyait pas. Il discernait tout de même un mouvement dans le noir, certainement l'inconnu. Il réfléchit encore quelques secondes avant d'agiter lentement sa tête pour montrer à l'autre qu'il était toujours là. Sa respiration saccadée était le seul bruit percevable. De sa voix cassée, il répondit. Ignorant sa question, il répondit par une nouvelle interrogation, comme il avait toujours fait.

"- Ne trouvez-vous pas que cette grotte a quelque chose de mystérieux ? "

[Très beau rp, bébou.]

Tourbillon d'Écume.

Le vétéran aux yeux gris observait l'obscurité, du moins, il essayait de percer le secret de l'identité de son interlocuteur. La voix lui avait paru jeune, rafraichie, vive, c'était donc un jeunot, il avait affaire à un adolescent ? Écume je ta un regard amusé, qui bien qu' invisible dans le noir lui réchauffa un peu le coeur. Il pouvait, en plissant les yeux et en se concentrant réellement trouver les pupilles du mâle qui lui faisait face. Ses prunelles pétillaient d'une futile jeunesse et d'un éclat que le matou blanc n'avait jamais connu, la gaieté. Ou bien la peur. Le mâle insensible, toujours assis et à demi-appuyé sur la pierre froide se demanda de quoi pouvait-il avoir peur. De lui ? Non. Écume était certes très bon en combat, agile, musclé et rapide mais contre un jeune vigoureux et malin, il aurait du soucis à se faire. Alors non, ce n'était pas de lui que le chat en face avait peur. De quoi alors ? Du noir ? Le noir était quelque chose qu'il connaissait si bien. Vulgaire couleur qui n'aurait jamais du avoir sa place sur terre, le noir gâchait, souillait tout sur son passage. C'était pour lui comme un raz-de marée, avalant, engloutissant les couleurs vives, faisant disparaitre, le rouge, le jaune et toutes autres teintes joyeuses. Ne laissant que du noir, du sombre, de l'obscure. Ne laissant qu'un vide énorme derrière lui. Le noir ne méritait pas sa place auprès des couleurs. Si Écume avait pu reformuler les pensées de chaque chat sur terre, il aurait placé le noir dans la case rejeté, dans la case des exilés. Il trouvait bien bête de placer le noir à part égal des autres couleurs. Enfin, il n'était pas le chef de ce monde, et bien heureusement. Si il avait eu le pouvoir, il y a bien longtemps de cela, il aurait tout changé, tout refait. Refaire le monde à sa façon, il en avait toujours rêvé. Et c'est à cause de cette citation idiote qu'il avait perdu la chatte de sa vie. Un beau jour d'été, ils vagabondaient ensemble depuis près de deux ans, fous l'un de l'autre. Il avait simplement murmuré " Viens, on refait le monde". Le regard qu'elle lui avait lancé avait glacé son sang. Dans les prunelles de la chatte, tout sauf de l'amour était passé, de la colère, de la tristesse, du désespoir. Puis, elle l'avait quitté. Sans prétextes, sans raisons, elle était partie, son pelage roux disparaissant parmi le sable chaud de la plage où il avait grandi. Tourbillon d'Écume en avait vécu des choses. Plus ou moins bonnes.

« Elle sert de lien, simplement. »

Simplement ? La voix résonna froidement, un brin de malice dans les dernières syllabes. Le mâle blanc sentit son poil se hérisser doucement. Pourquoi la voix de cet inconnu lui décrochait-elle des frissons aussi lourds ? Écume recula, il n'avait pas envie de reculer mais ses pattes le firent d'elles-même. Jetant un regard au noir qui lui faisait face, il soupira doucement. Le silence était son allié. Le guerrier solitaire se racla la gorge discrètement, du moins aussi discret qu'il pouvait dans le silence qui régnait dans la grotte. Il ferma les yeux un instant.

«De lien ? »