Libertée. Harmonie. Envol d'une âme [Pway Prunette Opaline]

Paupières closes, son long pelage crème flottant au vent, Nuage de Prune courait. Ou plutôt, Nuage de Prune volait. Son esprit était léger, ses pattes touchaient à peine le sol verdoyant, et elle, elle riait. Jamais, jamais elle n'avait été aussi heureuse de sa Vie.
Pourtant, elle n'avait jamais vraiment cherché à être apprentie. Portant jusqu'à hier soir le nom de Petite Prune, elle se fichait éperdument de quitter le Camp du Vent. Avec ses amis, elle était bien. Et ça lui suffisait largement.
Mais ce nom... Elle se revoyait encore monter sur le promontoire aux côté de son frère, son le dernier quartier de lune pour seule lumière. Elle revoyait le regard de cette grande guerrière, qui avait pénétré jusque dans l'Âme de la petite femelle.
Et alors, c'était comme si une porte s'était ouverte. De nouveaux espoirs, aussi. Nuage de Prune... Enfin, enfin ! Elle pouvait courir, partir loin de la pouponnière qui ne l'accueillait plus et passer des journées entières seules avec Nuage d'Ortie !

Nuage d'Ortie... Lui, il avait pour mentor une très jolie femelle au pelage blond, comme elle. Promesse d'Or, apparemment. Quand elle l'avait vu s'avancer pour toucher avec affection le museau de son frère, Nuage de Prune avait cru voir sa propre mère... Mais après...

On lui avait donné un autre mentor. Elle qui croyait passer des entrainements entier avec son frère adoré ! Une femelle, apparemment, lui servirait de mentor. Elle avait un nom vraiment .... bizarre. Et en plus, elle n'était même pas là. En patrouille, apparemment. Sur le coup, cette annonce l'avait vraiment marqué. Elle allait pouvoir rester avec une grande guerrière, mais qui ne restait même pas à son baptême ! Après tout, peut être qu'elle n'était pas au courant à ce moment-là...

Positive, la petite chatte au regard de lavande s'était dit que son mentor allait sans doute la chercher pour déjeuner avec elle... Et bien non. C'était son frère, un grand chat à la démarche souple, qui était aller la voir. Il lui avait dit qu'il faudrait rejoindre sa soeur seule, à pied, au "Vagabondage des Lucioles". Il lui avait donné quelques explications brèves, puis il était parti.

Et en plus, elle n'avait même pas le droit de prendre un casse-croûte. Horreur. C'était donc si dur d'être apprentie ? Nuage d'Ortie, lui, avait entamé une pie grasse, en la saluant le matin. Quelle tête il a fait quand l'apprentie crème a refusé de partager avec lui ! Quand elle lui avait expliqué que son mentor voulait qu'elle parte la rejoindre à jeûn, Prune s'attendait à un peu de compassion...
Encore là, déception. "Tu veux qu'on échange de mentor ?" Il lui avait dit. Comment pouvait-il être jaloux d'elle ? Ce qui lui arrivait depuis ce matin était vraiment trop étrange... C'était peut-être un rêve, après tout...

Un rêve. Oui, en fait, c'était un rêve. Mais pas un mauvais, ah ça non ! A l'instant même où elle avait franchi la barrière qui délimitait le Camp, Nuage de Prune s'était sentie libre.
Ivre de bonheur, elle avait couru dans tous les sens, s'était perdue, avait tourné en rond, mais toujours en riant.
Puis au bout d'une bonne demi-heure, quand son estomac avait crié famine, elle s'était résigné à retrouver celle qui lui apprendrait son Savoir durant les six prochaines lunes.
Tout en traversant des buissons de baies rouges et juteuses, elle s'était mise à chanter des paroles qui ne voulaient rien dire. Elle répondait aux oiseaux, dansait avec les feuilles et regardait les nuages. C'était si agréable de se promener librement !

Puis, juste après une petite flaque dans laquelle elle s'était désaltérée, un immense tronc d'arbre lui avait barré la route. Un tronc de sapin, au milieu de la plaine...
C'était exactement comme le lui avait décrit le frère de son mentor. Impatiente, elle prit son élan pour sauter sur le tronc et passer de l'autre côté... Au bout de plusieurs essais en vain, elle eut l'idée de sortir ses griffes pour escalader l'écorce... Victoire.
De l'autre côté se dessinait une immense vallée de hautes herbes... Elles devaient grouiller de campagnols ! Enfin, elle était arrivée... Se retenant de bondir entre les herbes folles, elle se contint et avança d'un pas calme vers une silhouette accroupie à quelques queues de renard. D'ailleurs, elle ne ressemblait pas du tout à un chat : la patte arrière derrière les oreilles et la queue entortillée dans une position étrange, une grande femelle mystérieuse semblait figée... Intriguée, Nuage de Prune s'avança doucement et prit son inspiration, prête à se présenter...

"Bonjour Nuage de Prune."

Sursaut. D'un mouvement souple et sans aucune douleur, la guerrière se remit dans une position normale, et se retourna pour examiner son apprentie. Son regard clair et profond la dévisageait... Comme si elle lisait dans un livre ouvert. Impressionnée, la petite femelle au long poil rêche s'immobilisa... Puis commença à se détendre. Son mentor était étrange, certes, mais elle respirait la bonté. Il lui suffisait d'un regard pour savoir qu'elle ne risquait rien avec elle... Sauf si elle devait elle aussi faire ces trucs bizarres avec son corps.
Tentant de se montrer polie, la petite femelle s'avança et présenta son plus beau sourire :

"Enchantée, Énigme.... Énigme...Sibylline. Je suis désolée d'être en retard, mais je me suis perdue en chemin... C'est la première fois que je sors du Camp."
Sa voix était pure et douce, comme d'habitude, ce qui fit sourire la grande femelle.

Pour Nuage de Prune, c'était le commencement d'une nouvelle Vie.

[Mais arrêtez de tous dire ça, c'est pas parce que j'écris des tonnes que c'est forcément une qualité ==' Allez, c'est parti !]

"Je suis enchantée moi aussi. Tu a raison de t'excuser, mais pour ton premier jour ce n'est pas grave. Et tu as ton excuse, tout comme moi j'avais la mienne hier soir. Bien que j'en soit profondément désolée, je n'avait pas été prévenue par Étoile Japonaise ou Cœur de Velours. Mais bien, je voudrais te connaître un peuplus, et ce sera l'occasion pour toi d'en savoir plus sur moi. Et au fait, tu n'a pas mangé, car je voulais juste partagé mon repas avec toi.Tiens."

D'un mouvement souple et rempli de gratitude, la patte gris perle de la grande femelle mystérieuse fit rouler un énorme campagnol fraichement tué. De là où elle était, à une longueur de moustache à peine du cadavre, elle sentait l'odeur du sang à peine refroidi chatouiller ses narines. Agitant la queue de gourmandise, la petite femelle se retint de bondir sur le rongeur pour l'avaler d'un seul coup. Son plat préféré !
Mais malgré l'appétit féroce qui la prenait, Nuage de Prune ne pensait pas vraiment à se nourrir. La voix à la fois ferme et compatissante d'Énigme Sibylline la subjuguait, la clouait sur place. Ainsi, elle n'était pas au courant... Peut-être ne voulait-elle pas d'apprentie... Mais en tout cas, elle avait l'air agile, forte, admirable. Avait-elle des chatons ? Si cela avait été le cas, elle aurait rencontré ses petits à la pouponnière... Dommage. La guerrière avait si... maternelle. La petite chatonne ne put s'empêcher de l'admirer. Un jour, elle deviendrait comme elle... Si elle en était capable. Après tout, Nuage d'Ortie n'arrêtait pas de le répéter : ce n'était qu'une gamine. Comment pouvait-elle devenir aussi sage, aussi souple et aussi valeureuse que ce mentor ?

"On m'a dit que tu avais un frère...Nuage d'Ortie c'est ça? Et on m'a dit également que tu serais déçue si tu ne t'entraînait pas avec lui... Je vais m'arranger avec son mentor. Comme ça, vous aurez quelques séances en commun toi et lui. Et je dois te prévenir... Tu n'auras pas un entraînement comme le sien. Il sera même totalement des entraînements traditionnels. Bon appétit."

Et généreuse, en plus. Petite Prune ne put même pas s'empêcher de pousser un immense cri de triomphe. Elle n'allait pas être séparée de son frère admiré, elle allait pouvoir lui prouver (ou essayer de lui montrer) qu'elle était aussi capable que lui de devenir une guerrière.D'ailleurs, c'était lui qui avait raison ce matin même : il avait vu
juste quand il lui avait fait remarquer qu'elle avait de la chance
d'avoir une mentor pareille. Mais après tout, peut-être n'était-ce que
pour l'amadouer qu'Enigme Sibylline agissait ainsi... Mais ce campagnol gras qui jonchait le sol... Il l'appelait. Son estomac ne pouvait pas l'abandonner...
D'un coup de mâchoire, la petite chatte crème agrippa le précieux rongeur avant de s'allonger à côté de la grande femelle gris perle. Aussitôt, elle remarqua que son mentor avait gardé pour elle un vieil oiseau tout rabougri... Comme à son habitude, Nuage de Prune allait proposer de partager son trésor de festin, lorsque la guerrière la devança :

"Aimes-tu la Guerre ?"

Choc. Ce mot... Rien qu'à l'entendre, il faisait froid dans le dos. Ce roulement de gorge, ce son froid et saccadé... Il pourrait terroriser un chaton, même si il était prononcé par sa propre mère. Dans tout son être, la femelle au regard mauve sentait son cœur qui tambourinait, paniqué... Des frissons commencèrent à la parcourir, ses griffes pénétrèrent comme par réflexe dans la chair juteuse du petit rongeur, ce qui fit couler du Sang chaud et vermeil. En le sentant couler sur ses griffes encore blanches et innocentes, Prune eut comme un mouvement d'écœurement. Elle aimait chasser, mais la Guerre aussi avait pour conséquence le Sang... Essayant de ne pas trop confier ses craintes, elle essaya de répondre à travers son frère :

"Nu... Nuage d'Ortie dit que la Guerre est nécessaire pour que la Paix existe. Il dit qu'un Clan, pour être serein et prospère, doit savoir dominer ses adversaires. Et que les morts qui tomberaient seraient le prix à payer pour les futures vies qui viendraient au Monde."

En frôlant le regard de son mentor, l'apprentie y vit une leur de surprise. Elle était trop Sage pour tomber dans le piège, elle avait dû se rendre compte de la fausse réponse. Sans attendre de reproche, Nuage de Prune comprit qu'il lui faudrait bien répondre de toutes façons. Après tout, elle ne connaissait pas Énigme... Mais elle savait déjà qu'elle serait capable de tout.

"Mais moi..."

Hésitation. Que dire ? Son cœur savait la réponse, mais comment l'expliquer avec des mots, en une phrase ? En fait, sa réponse était un énorme point d'interrogation. Prise de curiosité, elle jeta un regard avide envers celle qui l'encadrerait :

"Je ne sais pas... C'est quoi, exactement, la Guerre ?"

Nuage de Prune avait déjà entendu des récits d'Anciens qui parlaient de Guerre... Mais pour une fois, elle ne partageait pas la vénération de son frère pour les histoires. Après tout, c''était des contes, des évènements à moitié inventés.... Tant qu'elle n'aurait pas vécu la Guerre, elle ne saurait pas ce que c'est. Jamais elle ne croirait quelqu'un d'autre qu'elle-même. Elle savait qu'il y avait des affrontements, du Sang, des Morts... Mais pourquoi ça plutôt qu'autre chose ?

[Désolée du Retard... Ce sera mon dernier Rp avant une bonne semaine, tu as donc bien le temps de répondre ^^]

[Place. Elle me flatte la petite là ^^]

[Oulàlàlàlà ! O.O Désolée du gros retard, je n'avais pas vu que tu avais répondu... Je m'y mets tout de suite ^^"""]

Flottement. Nuage de Prune se sentait comme légère, elle avait l'impression de voler comme un oiseau au-dessus de la Terre et de regarder le Monde avec des yeux tous nouveaux... Et pourtant, elle était là, les quatre pattes bien ancrées dans le sol, et cette impression de légèreté s'opposait avec l'attraction des yeux de son mentor. Elle se sentait aspirée au plus profond de son regard, comme si elle sombrait sous des sables mouvants...
Son petit coeur innocent tambourinait dans sa poitrine.Elle se sentait en sécurité aux côtés d'Énigme Sibylline, mais les mots qui s'échappaient de sa bouche était froids et terribles de vérité. Elles ne les comprenaient pas tous, mais rien que leurs sonorités la frappaient jusqu'au plus profond de son Âme. La Sagesse de son mentor, pourtant très jeune pour de telles paroles grandioses, la subjuguait. En l'écoutant, c'était comme si on lui confiait un secret solennel, comme si une faveur gigantesque lui était accordée.

Son mentor lui expliquait les plus profondes facettes de la Vie. Son jeune âge ne lui permettait pas de tout comprendre, mais dès les premiers mots de la jolie guerrière, Nuage de Prune eut la certitude qu'elle se rappellerait de ses paroles durant sa Vie entière. Et peut-être même après, si Nuage d'Ortie avait raison en disant que le Clan des Étoiles existait...

Les chats, les guerriers sont tous des aveugles qui se jettent dans des précipices en pensant qu'en bas se trouve le Bonheur, ils se tuent sans même voir ce dont ils rêvent. Mais c'est cette confiance sans limite et ce manque d'esprit qui conduisait parfois certains aux plus merveilleux des prodiges. C'était ce que Énigme Sibylline chantait de sa voix mystérieusement douce... Lorsqu'on a plus aucun espoir, notre dernier acte peut nous être fatal comme il peut nous sauver.
Aujourd'hui, avant même de commencer l'entrainement, Nuage de Prune avait appris une nouvelle chose : la Méfiance, l'Hésitation.

*Comment j'ai pu débouler contre cette paroi neigeuse sans même penser qu'elle pouvait s'effondrer ? Comment j'ai pu rire au moment où j'allais condamner ma famille ? Nuage d'Ortie a raison, je suis vraiment trop gamine.*

Nuage de Prune se sentait cupide. En voulant simplement jouer, elle pouvait parfois provoquer des gaffes qui se transformaient en véritables drames... Elle jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrai plus. (La Fontaine <3)

Perdue dans ses pensées, la petite femelle se faisait toujours bercer par les mots de celle qui lui enseignait les Savoirs du Guerrier. Les yeux dans les yeux, elles se dévisageaient toutes deux, en apprenant à se connaitre.

Puis soudain, un ton enjoué s'empara de la guerrière. Redressant sa queue effilée, elle proposa à son apprentie quelque chose de normal. Normal, oui, mais tellement important pour la jeune femelle blonde...

"Nous allons commencer l'entrainement, donc."

Au début, Nuage de Prune crut qu'elle avait mal entendu. Cela faisait à peine une journée qu'elle ne portait plus le nom de Petite Prune, et pour elle ce mot avait tant de sens... Entrainement. Entrainement. Il résonnait dans sa tête et lui procurait les mêmes sensations que le pelage dense de sa mère quand elle pleurait. Réconfort, Bien-être infini... Jubilation.
Incontrôlable, la petite chatte de 6 lunes sortit de sa transe pour bondir sur ses pattes, frétillante comme un nouveau-né qui découvre pour la première fois l'extérieur de la pouponnière. Poussant des petits glapissements de bonheur, elle ne put s'empêcher de s'étonner, se rendant à peine compte qu'elle était désormais une apprentie, une vraie :

"Qui ? Moi ?!"

Cette journée était décidément une des plus belles de sa Vie.

Aveuglément
L'oisillon sur la branche
S'élance vers sa mère.

"Oui, toi ! Allez, suis-moi !"

Ca y est, le moment était venu. Elle n'avait jamais été pressée d'être apprentie, mais pourtant ce premier entrainement était pour elle comme un rêve qui se réalisait. Devant elle, Énigme Sibylline plantait son regard doux et mystérieux dans les yeux couleur améthystes de son apprentie, attendant que cette dernière se lève en guise de signal. Mais non, elle n'arrivait pas à se lever.
Pour elle, rien que le fait de se mettre sur ses quatre pattes était un challenge, une étape de sa Vie, une Renaissance. Car elle savait qu'à partir du moment où elle serait debout, l'entrainement commencerait.
Et elle deviendrait Nuage de Prune. L'apprentie guerrière. La future chasseuse. Le nom de Petite Prune serait à jamais enterré au fond de sa mémoire... Apprentie. D'accord, ce n'était pas un rang très important, elle allait peut-être devoir arracher les tiques des Anciens tous les matins avant de déjeuner, le goût de la bile de souris allait rester sur ses papilles des journées entières jusqu'à son baptême de guerrière, mais en même temps...

Elle allait pouvoir partir à l'extérieur. Libre. Elle se voyait déjà, courant à travers les herbes folles des Territoires Libres, Nuage d'Ortie à ses côtés pour chasser. Elle se voyait en train d'achever un campagnol et d'en boire le sang encore chaud. Elle se voyant sous le légendaire Cèdre Bleu, couchée contre un pelage neigeux tacheté de charbon... Elle voyait la Liberté.

Mais elle ne voyait plus son mentor. Et ça, c'était un peu plus embêtant. Alors comme ça, elle n'avait même plus le temps de penser ! Quelques secondes plus tôt, elle était là, son pelage gris tranchant avec le Vert de la praire, et puis pouf, c'était comme si elle s'était... Envolée. Dans les arbres, peut-être ? Intriguée, la petite norvégienne leva naïvement les yeux, à la recherche d'une tâche grise au milieu des rares branchages. Personne.
Soudain, la Nature qui dessinait tant de beaux espoirs dans l'esprit de la femelle blonde devint plus sombre... Presque menaçant. Elle était là, seule, au milieu d'une prairie où de drôles de lumières dansaient entre les pousses d'herbes... D'ailleurs, c'était peut-être elles qui la faisaient rêver... Il fallait qu'elle parte. Tout de suite.

Le fait de se lever ne présenta aucun obstacle pour l'apprentie perdue. Sans réfléchir, elle emprunta le sentier par lequel elle avait vue arriver son mentor quelques minutes (ou quelques heures ?) plus tôt. Le chemin était droit, sans obstacle... Étrange.

"Elle n'est pas assez prévisible pour passer par là, c'est trop.... Logique. Trop facile."

En parlant à haute voix, elle simulait la présence de Nuage d'Ortie, et le fait de lui confier ce qu'elle pensait lui donnait l'impression d'avoir raison. Les yeux grands ouverts et les oreilles baissées vers l'arrière, la jeune apprentie chercha une autre issue... A sa gauche, une flaque de boue asséchée par le soleil. A sa droite, un tronc d'arbre infranchissable. Derrière elle et devant elle, le Sentier...

Non, elle n'avait pas pu lui faire ça.... Après tout, si. Pourquoi pas ? Pivotant à 45 degrès, la jolie femelle crème recula de quelques pas pour prendre son élan. Menton contre le sol, arrière-train relevé, elle se prépara pour défier le gigantesque mur d'écorces... Et elle s'élança.

Poussant un beuglement de guerrière, comme si elle éventrait un adversaire, Nuage de Prune se jeta toutes griffes dehors sur le tronc. Elle parvint de justesse à s'ancrer dans l'écorce, cassant au passage deux de ses griffes qui n'avaient jamais servi auparavant. Une vague d'hésitation s'empara d'elle pendant une brève seconde, avant de disparaitre très rapidement. Elle avait raison, elle entendait Énigme Sibylline qui atterrissait derrière l'obstacle ! Prise d'un élan de courage et oubliant le liquide rouge qui dégoulinait sur le bois, la femelle au poitrail blanc trouva une prise pour sa patte arrière qui lui permit de se hisser jusqu'en haut. Restait à descendre, maintenant...

Nuage de Prune ne prit même pas la peine de réfléchir à la manière de désescalader : au moment même où elle aperçut le pelage gris souris de la guerrière, elle se jeta pratiquement dans le vide, et chuta maladroitement dans un roulé-boulé improvisé. Lorsqu'elle arrêta sa chute contre son mentor, elle ne put s'empêcher d'exploser d'un rire à la fois nerveux et jubilatoire. En sautant aveuglément ,elle aurait pu se fracasse une patte, ou pire. Mais voilà, elle s'en rendait compte maintenant, et comme d'habitude, elle avait agi sans réfléchir.
Mais bon, elle était entière à l'exception de deux griffes, c'était l'essentiel, non ? Se relevant sans problème pour lancer un regard admiratif à celle qui lui avait lancé un défi, Nuage de Prune attendait les prochains ordres, impatiente.

"Alors ? Ça n'allait pas trop vite ?"

Un petit sourire en coin s'était peint sur le visage de la guerrière grise. Nuage de Prune, elle, ne savait pas quoi répondre. Ses pattes tremblaient suite à l'effort, de la sueur perlait sur son front brûlant, sa langue pendait, sa respiration était haletante et bruyante. Son cœur tapait comme jamais dans sa poitrine, c'était comme si un cheval galopait à l'intérieur d'elle-même.
Et elle était heureuse. Épuisée mais fière d'elle, tenant à peine sur ses pattes mais prête à faire le tour du monde. Entre deux expirations, elle parvint à répondre :

"Oui, c'était trop rapide... Beaucoup trop."

En prononçant ces paroles, la jeune apprentie remarqua avec amusement qu'une lueur de déception s'était créée dans les yeux clairs de son mentor. Mais aussitôt, elle enchaina, tout en bondissant comme une sauterelle autour de l'adulte :

"Mais c'était génial ! Excellent ! On fait quoi, maintenant ?"

Prune.
Un instant
Notre existence
S'efface.

Il s'était passé à peine une fraction de seconde, presque imperceptible. Enigme Sibylline était là, son pelage gris perle à la portée d'un coup de patte, et ... Invisible, comme volatilisée. Nuage de Prune n'avait pas pu s'empêcher de pousser un cri d'effroi lorsqu'elle avait vu le visage de son mentor basculer, puis ses pattes effilées quitter la branche sur laquelle des traces de griffes étaient encore visibles. C'était logique, elle avait dû descendre, et bien plus gracieusement que Nuage de Prune qui avait failli s'étaler lourdement... Comme un pauvre oiseau sans plume. Sans aucune expérience, à peine né et déjà tombé du nid. Et devant... Une Hirondelle agile, jeune et adulte qui s'enivrait de la brise qui à elle, lui était menaçante. D'ailleurs, était-elle vraiment atterrie ? Ne s'était-pas plutôt... Envolée ? L'espace d'un instant, prise d'une folie éphémère, Nuage de Prune leva les yeux au ciel à la recherche de la guerrière mystérieuse. Rien. Juste un pigeon gras et lourd qui n'avait que la couleur du plumage en commun avec Énigme Sibylline.
Il fallait se résigner à descendre alors... La petite femelle blonde n'avait jamais eu le vertige de sa Vie, mais en regardant le Vide sous ses pattes, une sensation de déséquilibre s'empara d'elle... Comme si le sol l'appelait. Mais ce n'était pas du vertige, c'était de l'impatience.

Prenant son air pour se donner du courage, la jeune apprentie bascula en avant... et se laissa tomber comme un feuille morte, laissant son instinct guider ses mouvements.

Une patte quitte le sol.


Deux.


Son buste bascule et entraine avec lui les deux pattes arrières. Une seconde, peut-être. Une éternité aux yeux de la femelle aux yeux d'améthyste. C'est comme si 'elle se jetait dans les pattes d'un ours... Elle allait se faire dévorer. Mais rien que pour sentir le poil épais de la bête l'entourer, pour s'enivrer de sa douceur jusqu'à s'en étouffer, elle se laissait faire. Mort ? Le mot s'effaça du vocabulaire de l'apprentie au moment même où elle eut le courage d'ouvrir les yeux.
Comme une goutte de pluie, elle tombe. Tête la première. Oui, le sol l'appelait. Le vent qui filait entre ses poils hurlait, l'obligeai à juste entrouvrir ses yeux... Elle était proche, si proche des rochers et des racines... Son visage allait exploser. Le sentirait-elle ? Sa mâchoire fonçait au sol. Inexorablement, inévitablement. Ca avait l'air si simple, la Chute.

Alors pourquoi son arrière-train commençait-il à aller plus vite ? Peu à peu, ses pattes se tendirent, et son cou se dressa pour se laisser doubler par son postérieur. Comme ça, sans même que Nuage de Prune l'ai demandé. C'était ... un réflexe. Comme si elle l'avait toujours fait. Un rire de soulagement commença à apparaitre chez la douce femelle. Et l'atterrissage fut doux, à peine perceptible, lorsqu'elle posa ses pattes aux côtés de son mentors.
Elle avait à peine fini son saut lorsque sa voix impatiente se remit à retentir :

"Comment j'ai fait ça ? C'était vraiment... Bizarre. Magique."

Quelques minutes plus tôt, elle aurait voulu parcourir la Terre entière aux côtés de son mentor. Elle là, soudainement, elle ne voulait lus bouger. Accroupie en face d'un tête grise que la dépassait, elle voulait juste parler. Parler du phénomène qui venait de se produire.

[Désolée pour tout ce retard. On se fait un new sujet?]