Assemblée du Clan [ IMPORTANT]

Quoi ? Quoi ? Que dire ? Je ne sais pas. Quand on est décentré, à l'écart, perdu dans un monde de noir et de blanc, il arrive parfois que la parole nous manque. C'est exactement ce qui m'arrivait. À cet instant précis, j'avais perdu toute notion du temps ; je me contentais d'être là de manière corporelle, tandis que mon esprit tournait en rond. J'étais las, las de ne pas être accepté, las de voir cette barrière entre moi et les autres. J'aurais voulu la détruire, mais j'étais totalement inexistant, incolore. Je poussai un soupir, fixant d'un œil vide les allées-venues du Clan. J'avais un peu honte de l'avouer, mais je m'ennuyais. Il n'y avait pas de mission pour moi, je devais me contenter d'attendre, encore et toujours, que quelqu'un me remarque. J'en venais presque à regretter le Tyran, mais depuis que j'avais rencontré le solitaire Patte de Phœnix et que Nuage du Crépuscule avait disparu dans la nature, il s'était tu. Je n'avais plus personne à qui parlait ; j'espaçais donc de plus en plus mes moments d'inactivité au camp, préférant bouger et courir plutôt que de rester assis à ruminer ces noires pensées. Mais seulement voilà, je mettais, aujourd'hui, retrouvé assigné à la protection du camp ; je me contentais de faire quelques rondes autour des fortifications et de demander des nouvelles aux patrouilles. Je bouillonnais, mais ne pouvais échapper à cette corvée. J'essayais de faire de mon mieux, mais impossible : mon esprit continuait de vagabonder, quelque que soit ma volonté.
Soudain, Plume de Zéphyr, le lieutenant du Clan, bondit sur le Promontoire. Ses yeux d'ordinaire si brillants étaient ternes, il se tenait vouté. Je redressai la tête, les sens en alerte, prêt à accourir. Mais le chat gris se contenta de lancer l'appel rituel, celui que poussait naguère Étoile Argenté. D'ailleurs, je ne la voyais pas. Où était-elle ? La plupart du temps, c'était elle qui faisait les annonces. L'inquiétude, ajoutée à une sorte de sixième sens, me fit arriver parmi les premiers devant l'imposant rocher. Je m'assis de nouveau, mes griffes traçant des sillons sanglants dans la terre rougeâtre.

- Que tous les chats en âge de chasser s'approche pour une assemblée du clan.

Bizarrement,t j'avais compris. Des dizaines de chats accoururent, ameutés par le cri ; certains étaient intrigués, d'autres se lançait des regards avides ; quelques-uns, enfin, tout comme moi, échangeaient des regards inquiets. Je tournai la tête, et vis deux chatonnes qui bavardaient non loin. Malgré l'interdiction, elle se rapprochèrent. Je reconnus Patte de Lune, la fille de notre chef, et Patte Dorée. Je leur adressai un petit sourire incertain, mais je ne pensais pas qu'elles l'ait remarqué. Je soupirai, fatigué d'être aussi translucide que de l'eau, et reportai mon attention sur le lieutenant. Sa robe grise me faisait penser à la tristesse de l'Océan lors des nuits d'orages. Je fermai les yeux, et me concentrai : j'entendais à présent le hurlement du vent et le fracas des vagues contre les falaises de gré.

- Je vais aller droit au but, Toile Argentée est morte en protégeant sa fille. Elle a perdu ses vies avec courage et dignité. Que son esprit repose au clan des Étoiles ..

Je poussai une exclamation. Quoi ? Pardon ? Étoile Argentée ne pouvait... Ne pouvait être morte ! Une étrange fatigue m'envahit, ma vue se brouilla. Je me repris, et pour la première fois depuis ma rencontre avec le chat fou, je sentis le Tyran bouger au fond de moi. Je frissonnai. Baissai le regard, fixant le sol. Eus une pensée muette pour la défunte meneuse. Jamais je n'avais eu le courage de lui dire le respect que j'éprouvais pour elle, et je le regrettais. Je m'approchai de Patte de Lune, qui regardait sa meilleure amie s'éloignait. Je lui touchai l'épaule. Je savais que, dans le meilleur des cas, elle me regarderait comme un fou, mais je ne pouvais plus me retenir. Ma conscience me dictait d'agir ainsi, tout comme elle m'avait poussé à quitter le Groupe il y a des années de cela. Je plongeai mes yeux saphirs dans ceux de la chatonne, m'éclaircis la gorge, et inclinai la tête avec respect.

« Je... Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour te dire cela, Patte de Lune. Je sais que pour la majorité du Clan, je ne suis qu'un paria, une sorte de raclure que ta mère a accepté trop vite. Mais elle m'a offert une nouvelle chance, n'a pas cherché à savoir pourquoi je vivais ainsi, reclus de la société, solitaire avec pour seule compagnie la mélodie des vagues. Elle a toujours été sympathique avec moi, bien plus que tous les autres. Alors... Je sais que mes mots te sembleront vides, inutiles... Mais je sais ce que c'est de perdre un être cher. J'ai... J'ai tué. Beaucoup tué. Dans ma jeunesse. Je le regrette, bien plus que tu ne peux l'imaginer, et c'est à cause de cela, à cause de cette... folie juvénile que je vivais seul. Mais ta mère m'a permit de vivre autrement. De me racheter. Alors... Alors je la remercie. Et je trouve juste de te dire ce que je pensais de celle qui t'a donné la vie. Maintenant, si tu veux parler... »

Je fouettai l'air de ma queue, mal à l'aise. Je n'étais pas vraiment expert dans l'art de manier les mots [et moi pour la narration à la première personne du singulier, ce texte est ridicule T_T].