Retrouvailles. [PV M. le sanguinaire roux]

Silence de la Lutine
Ou quand le plus grand bonheur se présente sous la forme d'un rayon de soleil.

Il devait être aux alentours de 10heures. Le soleil en était à peine au quart de sa course et il nimbait le sol et les naissantes fleurs du printemps d'une lumière dorée et féerique. Toute trace de neige avait fondu, l'hiver était fini. Des abeilles téméraires étaient déjà présente, butinant les jonquilles et les crocus sans crainte de la brise fraîche qui soufflait sur ce petit paradis magique.

Magique? Tout dépendait des point de vue. Un observateur objectif aurait été charmé par la tranquillité du lieu. Silence de la Lutine l'était un peu moins. Non qu'elle ne trouvât pas beau l'herbe verdoyante, les montagnes qui, au loin, étaient presque transparentes dans le ciel azuré ou le ballet des oiseaux. C'est juste que lorsqu'on se fait couper la langue à un endroit c'est normal qu'on en garde un souvenir peu appréciable. Elle avançait donc d'une démarche un peu circonspecte. Puis elle se raisonna en se disant que son tortionnaire n'irait pas deux fois au même endroit. Ce serait vraiment un coup tordu du destin.

Silence de la Lutine avait à peu près 16 lunes. Elle était devenue une chatte agréable à regarder dont la physionomie disait tout sur son caractère. Elle possédait un pelage blanc aux reflets bleutés, fourni et soyeux, de beaux yeux bleutés au teint légèrement différent et un visage fin au museau légèrement retroussé lui donnant un air naïf et enfantin. Il suffisait qu'elle baille pour comprendre que sa vie n'avait pas été un havre de paix. Sous ses petites dents pointues sa langue était arrachée net. Elle avait réussit avec des herbes à garder la blessure propre. Elle avait souffert, certes, mais elle aurait eu encore plus de douleur si la plaie s'était infectée. Elle était devenue une guérisseuse peu après.

La jeune femelle regarda autour d'elle. Personne. Son appréhension retomba et un sourire illumina ses traits, comme si elle venait d'ouvrir les yeux sur le paysage qui s'offrait à sa vue. Heureusement, elle pouvait plus facilement se passer de la parole que de la vision. Elle était venue ici pour chasser un peu et trouver de quoi se remplir l'estomac. Elle tua vite un merle qu'elle avala avec gourmandise. Le plaisir de manger lui était resté même si elle ne pouvait plus sentir le goût des aliments. Tant pis. Elle faisait avec.

N'ayant rien d'autre à faire, elle se roula dans l'herbe et s'étendit sur le dos, appréciant la caresse du soleil sur son ventre et la sensation de chaleur enveloppant son corps frêle. Il y avait des moments de bonheur dans la vie que personne ne pourrait jamais lui enlever. La minette étant d'une nature optimiste, ni la perte de la parole ni celle de ses proches ne l'avait anéantie. Elle mordait dans la vie comme dans un campagnol, aidait les autres du mieux qu'elle pouvait et profitait des moments comme celui ci ou elle ne demandait rien de plus qu'un peu de soleil en humant l'air parfumé. Elle s'étira avec grâce et sourit en sentant l'herbe lui chatouiller les coussinets.

Et pourtant...le mal n'était pas loin.

Memories.

Stigma s’élança d’un pas souple vers les bordures de son territoire. L’herbe haute lui chatouillait les pattes avec ironie. Il banda ses muscles et voltigea au dessus d’un tronc d’arbre, se réceptionnant silencieusement. Ses griffes fendirent l’air et s’enfoncèrent dans les yeux globuleux d’une hirondelle qui volait trop bas. Retirant sèchement ces petits rasoirs tant utiles, il laissa l’oiseau à l’agonie, ne cherchant même pas à le bouffer. Ses pattes trottinèrent encore vers un autre lieu, familier cette fois-ci.

Ce n’était pas dans son habitude de revenir sur les lieux d’une de ses aventures volages. Il se faufila entre deux branches aux épines acérées qui ne l’atteindraient pas. Sa fourrure flamboyante était comme un bouclier épais. Aucunes armes de pouvaient l’atteindre, sauf peut être les plus pointues. Se faire un passage dans un manteau aussi épais n’était pas une mince affaire. Les prunelles grenat du matou scrutèrent malicieusement les environs. Il s’échappa des buissons, laissant le soleil irradier son pelage vermillon. Ses larges pattes rencontrèrent une aspérité dans le sol. Elle n’était pas naturelle. Le félin s’y intéressa particulièrement, dessinant les lettres gravées dans le sol.

« Mon organe préférer chez les femelles, mon chou, ce sont les langues. Tache de le savoir pour la prochaine fois. »

C’était ses mots. Les siens. Des images bouillonnaient dans son esprit, comme un torrent de sang. Elles apparaissaient comme des coupures de cinéma. La première image était symbolique. Elle représentait une jolie chatte immaculée, aux prunelles rêveuses. Puis la deuxième image la représentais toujours, mais cette fois ci ses grands yeux étaient emplis de douleur et un filet d’hémoglobine s’échappais de sa bouche, tâchant son poitrail. La troisième était une image vieillit d’un bouquet de fleurs fanées. Le matou ne chercha pas plus loin. Il tenta de s’éloigner, mais d’autres mots attirèrent son attention.

« Tu m'as prit ma langue mais j'ai encore une dent contre toi.
Je suis faite pour guérir mais sache que je peux te nuire.
Je te note ça à toi, le sanguinaire, Nuage Pourpre.

De Nuage de la Lutine parce que c'est toujours poli de demander son nom à une dame avant de lui couper la langue »

Cette écriture féminine lui arracha un sourire. Ainsi donc, la dénommée Nuage de la Lutine était guérisseuse. Elle semblait bien téméraire. Mais cela lui plut. Un détail lui sauta aux yeux. Quelques pétales séchés par le temps semblaient s’échapper d’un bouquet de tiges encore partiellement vertes. Il en coinça une sous sa patte et l’huma attentivement. Elle portait deux parfums. Celui de l’hellébore et un autre, plus doux. Elle. Cette odeur ne portait qu’un seul nom. Le matou sourit de plus belle, dévoilant une dentition cannibale aiguisée. Un fumet félin lui chatouilla les narines avec sournoiserie. Il se laissa guider, puis se stoppa derrière une pierre mousseuse. La femelle était là. Son odeur indiqua toutes sortes d’information. Elle était jeune, en bonne santé et heureuse. Quelques senteurs d’herbes l’accompagnaient mais aucune appartenance à un clan, ou alors très ténue. Il fit un pas de plus, risquant ses prunelles pourpres à découvert. Une gracieuse demoiselle s’étirait subtilement au soleil, profitant de la vie. Le bonheur semblait l’avoir contaminer, pour le plus grand dégoût du novice. Dégoût ? Non. Envie ? Peut être bien. Stigma était-il lassé de ce parcours sanglant ? Les pupilles dilatées du chat apaisèrent nos craintes. Il laissa ses yeux admirer encore la chatte. Elle pivota sur elle-même, fixant le rocher avec vivacité. L’avait-elle remarqué ? Non, c’était impossible. Ses iris étaient bleues océan, subtilement parsemés de touches rosées. Elles lui rappelèrent Nuage de la Lutine, mais le minois enfantin et délicat de la dame ne ressemblaient pas à la novice. Elle bailla, ce qui eu l’effet d’un coup de tonnerre. Ses acouphènes se bouchèrent, provoquant un tournis pas possible. Comment ? Il ne trouvait pas les mots. La gamine c’était métamorphosée. Ce n’était plus une petite chatte assez mignonne. C’était un canon à présent. Sans en avoir le béguin, il la trouvait magnifique. Silencieuse, elle semblait d’autant plus inaccessible. Sûrement était-elle passée guérisseuse, mais le félin ne connaîtrait jamais son nouveau nom. Il l’appellera donc Lutine.

Près à apparaître, il se faufila entre le rocher puis se hissa en son sommet. La fixant intensément, il laissa venir le moment où le choc des retrouvailles allait arriver.

Ou en cas de confrontations entre l'eau et le sang c'est, hélas, toujours le sang qui l'emportera.

Le destin.
Nom masculin désignant une sorte d'entité supérieure et inconnue qui gèrerait le cours d'une vie et des évènements à son envie et à sa manière; fatalité.
Le destin doit bien être le plus grand mystère de la vie également. Ce serait comme une sorte de boîte de chocolat remplie d'espèces étranges et inconnues. On ne réfléchit pas laquelle on choisit mais soit c'est délicieux, soit c'est infect.

Pour ce coup là, Silence de la Lutine était tombé sur un chocolat particulièrement mauvais. C'est ce qu'elle aurait pensé si elle avait connu le chocolat en boîte. Mais elle n'en pensa pas moins à un mauvais coup lorsque ses deux prunelles azurées se posèrent tout à coup sur un félin roux aux yeux figurés par deux fentes incarnates luisant de cruauté et d'une intelligence malsaine. Le soleil projetait des éclats mouchetés sur son pelage cuivré, étirant sur le sol une ombre effrayante. Cette connaissance, elle aurait préféré ne plus jamais la revoir du tout. Ou alors si elle était à l'article de la mort. Ce qui est tout à fait normal en soit, quand on y pense. A sa place, personne, excepté un masochiste, n'aurait voulu revoir la personne qui lui avait ôté la parole en tranchant net sa jolie langue rose, ne laissant qu'un moignon sanglant et inutile.
Stigma.

Elle sentit comme une pointe acide dans sa gorge en constatant qu'une fois encore, il était là, venu détruire son beau jardin d'Eden et refoula ses larmes. Elle prit enfin conscience de sa bouche encore ouverte comme celle d'un poisson hors de l'eau et frissonna en lisant la satisfaction d'un travail bien fait dans le regard de Nuage Pourpre. Oui, il devait être fier. Il avait réduit au silence la jeune écervelée qui en savait trop, sans toutefois l'éliminer, et se vengeant du même coup des insultes qu'elle lui avait lancé. Pour l'heure, il la toisait d'un air suffisant, se passant quelque coups de langues dans la fourrure. Pure provocation. Mais il ne visait qu'à moitié juste. Certes, la perte de sa langue avait engendrés quelques désagréments en plus de la douleur mais elle avait réussit à s'habituer. De plus, son mutisme forcé lui avait donné son nom et malgré le souvenir qu'il emportait, c'était son nom, c'était elle. La perte de sa langue avait donc été un mauvais moment à passer mais il s'était légèrement estompé dans sa mémoire même si la crainte de son bourreau subsistait. Ce qui l'aurait vraiment blessé c'est qu'il s'attaque à ses proches. Eclat du Firmament, ses parents ou les guérisseuses qu'elle avait rencontré. Or, Eclat du Firmament avait disparu et ses parents étaient morts. Les guérisseuses, quant à elles, avaient la protection de tout un clan.

De toute façon, cette crainte il ne la connaissait pas. Et comment le pourrait-il? En la faisant parler? Cette pointe d'humour noir ne la fit pas sourire. Le sanguinaire était toujours présent et son regard n'augurait rien de bon. Rien que sa présence était néfaste en fait. La jeune guérisseuse aurait remonté le temps si elle avait pu. Elle aurait remonté au moins jusqu'à ce matin, lorsqu'elle avait décidé de revenir en ces lieux. Elle ne pensait pas qu'il reviendrait. En tout cas pas aujourd'hui. Peut être avait-il attendu son retour en venant chaque jour se poster sur le rocher? Non. Le lieu aurait été impregné de son odeur. Mais alors? Alors c'était tout simplement une pure facétie que le destin avait voulu jouer, si ennuyé qu'il était, se prélassant dans sa forteresse nuageuse et colorée en dehors de l'espace-temps. Il n'y avait sans doute pour lui qui avait tout connu, rien de plus distrayant que de voir des sanguinaires lutiner des minettes.

Il fallait maintenant que la jeune chatte immaculée réfléchisse. En avait-elle seulement le temps? Elle ne voulait pas jouer le jeu de cet horrible chat. Elle ne voulait plus même qu'il la touche. Le souvenir des caresses de l'autre fois l'écoeurait encore. Son petit jeu avait laissé une reminiscence indélébile et glaciale dans son esprit. Elle entendit le crissement des griffes immaculées de Nuage Pourpre sur le rocher et releva ses yeux vers les siens. Du rocher, il la dominait de toute sa hauteur. Même si ça lui faisait mal de se l'avouer, elle était forcée de constater qu'il avait de l'allure là haut, le vent faisant voler sa fourrure brillante et flamboyante, son regard luisant de cruauté et sa bouche figée dans un demi sourire. Mais à ses yeux même avec tout le charisme du monde, son âme resterait l'âme d'un déchet.

« - En'ore hoi! Pu'ain!»

Fit-elle en lâchant les seules syllabes qu'elle pouvait encore prononcer.

I follow you.

La tête penchée au pied de rochée, il se laissa aller dans un rire odieux, les prunelles habité par la folie. Il savait qu’il faisait peur, les fous font toujours peur. C’est pour ça qu’on les internes. Pour être sûr qu’ils ne seront plus là pour vous regarder avec des aires de psychopathe dérangé. Sauf que la folie ne se guérit pas. Nuage Pourpre n’en guérirait pas. De son regard sanguin, il contempla avec fierté la chatte insoumise. Ses yeux étaient secs, et le fin filme qui la protégeait perça facilement, d’une pression. D’un coup d’œil il sut qu’elle était dévastée. La haine se lisait au plus profond de son âme. Un flot de larmes et de sang affluait dans son cœur, tintant ses prunelles saphir d’un brillement plus clair. Détournant les yeux, il s’attarda à la contemplation du bouquet d’hellébore en décomposition. Le fameux bouquet. Une fleur encore fraîche s’était détachée, et, malmenée par les vents, s’était entrelacée dans un bosquet de ronce. Inspirant avec frénésie le parfum aigre de la mort, il arracha d’un coup de griffe les pétales mauves prisonniers des épines, savourant leurs morsures. Puis il la laissa tomber aux pieds de la chatte. Il admirait son intelligence, elle n’avait pas eu la bêtise de fuir. Elle n’aurait jamais eu aucune chance contre lui, elle en était bien consciente. Vrillant son regard grenat dans celui de la femelle, à jamais silencieuse, il afficha un sourire désireux.

Pour couper court au spectacle, le matou se laissa chuter en bas du surplomb. Il faut dire que notre Stigma manquait cruellement de patience. Cela l’énervait, il essayait de se retenir mais rien, ça lui était impossible. Ses lèvres minces tremblaient, chuchotant des mots incompréhensibles. Il s’approcha d’un pas gracieux de la jeune chatte, lui tournant autour comme un rapace guettant sa proie. Il veillait cependant à respecter une certaine distance, d’environ un ou deux mètres. Il ne la quittait pourtant pas du regard, cherchant à posséder son esprit, à la détruire de l’intérieur. Car rien est tel que le supplice de la tourmente de l’âme. Quand on est perdu, on abandonne, on jette l’éponge. C’est un combat perdu contre la vie. Un combat sans deuxième chance. Puis de ses yeux sauvages il la détailla, s’arrêtant de temps à autre pour loucher sur ses formes féminines. Comme il était contente de la revoir. Elle, semblait tout à l’opposé. Elle cracha, astiquant son moignon de langue. Avant même de chercher à comprendre ce qu’elle tentait de dire, il s’approcha furtivement, puis lui glissa à l’oreille

« Si tu savais comme tu m’as manqué. J’attends ce moment depuis bien trop longtemps. »

Avant de se laisser enivrer par son parfum volupté.

La folie doit assurément être le plus grand des maux. En mon opinion du moins. Il ne semblait pas avoir entendu mes doux mots qui avaient dû être emportés par le vent. C'était une fâcheuse IDIOTSéquence tout de même. J'aurais bien voulu lui refaire ma petite tirade de la dernière fois. C'est étrange quand j'y pense: si je n'avais pas prononcé son nom - Nuage Pourpre - il m'aurait peut être tuée. En un sens c'est cette bêtise qui m'a sauvée mais je me demande parfois quel sort était le pire entre ces deux. Je ne sais pas ce que j'aurais choisi si j'avais consciemment eu le choix. Enfin...maintenant, sous le soleil, je préfère encore être vivante. Je dois encore avoir ma vengeance sur ce sale... Les mots me manquent pour le décrire. Vengeance, oui, mais comment? En tout cas pas en combat: je suis une guérisseuse, je n'ai aucune formation, aucun muscle et quand bien même je serais une guerrière, je n'aurais certainement pas le dessus. Je suis sûr que je ne suis pas sa première victime. Ni sa dernière. Et pas celle qui a connu le pire sort. Dire qu'autrefois il y avait peu de sanguinaires...maintenant la forêt en est pleine. Je pourrais à la rigueur lui faire avaler un poison mortel ou un truc qui le ferait agoniser dans d'horribles souffrances. Oui mais qui combat un monstre doit prendre garde à ne pas en devenir un lui-même. Je pense que je n'en serais jamais un vu mais j'ai le droit de me venger. Je veux le voir payer pour ses crimes. Je ne peux plus contempler son regard suffisant et effrayant. Mais je suis une guérisseuse, je suis née pour guérir, non pour tuer. Je suis une messagère de paix pas une annonciatrice de la mort...

Cet étrange débat continuait dans la tête de la jeune guérisseuse. Elle vit une forme tomber devant elle. Une fleur et pas n'importe quelle fleur. De l'héllebore. La jeune chatte ne bougea pas mais darda un regard horrifié, passant de la fleur à Nuage Pourpre qui sauta élégamment du rocher pour s'approcher d'elle. Oui, l'héllebore. Comment avait-elle pu oublier, cette fleur que sa mentor lui avait demander d'aller cueillir. L'héllebore à très petite dose était un remède efficace mais une seule de ces fleurs était toxique, bien que celle là, séchée par les vents n'avait plus aucune propriétés. Stigma tournait autour d'elle de façon répétitive, tel un oiseau de proie devant une bête sur le point de mourir. Peut être était-ce vraiment le cas? Silence de la Lutine se rendit vite compte de l'angoisse que ces petits tours insinuaient en elle. Elle ne pouvait le voir tout le temps et ne savait pas quand il allait...allait faire quoi? L'attaquer? Lui sauter dessus? Son stress augmentait sensiblement tandis que le sourire du sanguinaire s'élargissait. Il s'arrêtait de temps à autre pour la regarder. Elle se sentait mise à nu sous son regard où dansait les flammes de l'enfer. Il s'amusait de nouveau, c'était plus fort que lui. Il fallait qu'elle trouve la tactique cette fois. Elle ne voulait pas perdre.
La jeune guérisseuse sursauta quand il s'approcha furtivement tout près d'elle, assez pour qu'elle puisse sentir son souffle chaud sur son oreille.

« Si tu savais comme tu m’as manqué. J’attends ce moment depuis bien trop longtemps. »

Elle non. Il ne lui avait absolument pas manqué. Elle se serait même tout à fait passée d'une deuxième rencontre, d'un deuxième "jeu". Lui semblait ne pas se lasser. La jeunette trotta alors jusqu'au rocher, sauta agilement, s'y assit et enroula gracieusement sa queue autour de ses pattes. Il lui semblait avoir un certain pouvoir depuis le surplomb et elle darda un regard ou se mêlaient une certaine ironie et un peu de peur. Ça n'était sans doute pas dans son plan ça. Le fou a été pris par le pion. A quand l'échec et mat?

Bad dream baby.

La température monte…

« Tu as deux choix. On s’amuse, ou plutôt je m’amuse. Deuxième choix : regarde en bas chérie. »

Stigma ne semblait pas impressionné par la jeunette. Il la rejoignit sur le rocher d'un bond souple. Quelques nuages cotonneux voilèrent le soleil durant un court instant. Mauvais présage même si Silence de la Lutine ne croyait pas à ce genre de choses. Son regard se posa sur une tache de sang sur le rocher et elle déglutit péniblement. Son sang. Le souvenir âpre de la fois passée lui remonta dans la gorge. Elle planta farouchement ses yeux bleutés dans ceux pourpres et vicieux de son antagoniste et ils firent l'un de ces dialogues silencieux où tout est dit sans échanger un mot.

Il recommença à lui tourner autour mais il était beaucoup plus près, le rocher n'étant pas très large. Elle manqua de tomber lorsqu'il lui porta un coup vif et elle s'écarta. Elle marchait dans son jeu mais elle avait perdu le contrôle. Il ne gagnerait pas. Pas cette fois. Malheureusement son attitude était très optimiste et elle le savait. Mais il y avait encore de l'espoir. Le Clan des Etoiles ne pouvait pas la laisser tomber. Il ne pouvait pas permettre qu'une jeune et dévouée guérisseuse se fasse sauvagement tuer.

Pourtant Stigma avait continué à la faire reculer et ils étaient maintenant au bord de la falaise. Devant elle, la comprimant de son corps, Stigma. Derrière elle, le vide. Echec et mat. COmment avait elle pu croire qu'elle allait gagner? Il avait finement caché son jeu mais maintenant elle était cuite. Le sanguinaire posa sa patte sur elle. Elle aurait bien voulu se dégager mais le moindre mouvement pouvait la conduire à la mort.

« Tu as deux choix. On s’amuse, ou plutôt je m’amuse. Deuxième choix : regarde en bas chérie. »

Le venin contenu dans ces paroles la firent frissonner. Choix? Quel choix? Qui choisir entre la mort et Stigma? C'était un dilemme cornélien mais elle décida rapidement que la mort était bien plus tentante. Tant pis. Elle jeta un oeil derrière elle. C'était assez haut pour quelle se fasse mal mais suivant comment elle tombait elle ne mourrait pas. Au pire elle savait se soigner et elle connaissait la souffrance. Elle avait déjà vu et soigné ce cas de figure. Elle prit une longue inspiration pour la dernière fois peut être et elle fit un pas en avant du mieux qu'elle pouvait. Elle voulait tomber d'elle même. Elle pourrait mieux contrôler sa chute. Lutine fit rapidement le calcul dans sa tête qu'il lui faudrait rouler une fois en bas. Soudain elle sentit sa patte buter contre quelque chose et elle se raccrocha au sanguinaire par réflexe. Elle sut tout de suite à son sourire carnassier et un brin surprit qu'il s'était trompé sur ses intentions. NON! avait-elle envie de crier. Je ne te choisirais jamais! Plutôt mourir! Mais sa bouche filtra ses pensées en un gargouillis intelligible, ruinant ses plans. La partie était finie mais les pions blancs du jeu d'échec venait d'être balayés par une main implacable. Entre deux choix, le destin avait de nouveau choisi le pire pour elle.

[sorry pour la qualité :$]

I need you.

« Reviens put.ain. »

She is a rainbow ♫

Lutine se sentai percée par le regard de braise du félin roux. Elle ne voulait pas voir ce qui allait suivre. Elle ne voulait pas faire office de jouet. Le sanguinaire semblait penser l'inverse.
Elle maudit son destin d'avoir mit cette pierre ici et de l'avoir fait tomber dans les pattes de cet ignoble barbare. Qui avait bien pu engendrer une créature aussi monstrueuse? Le chat carnassier la défigura encore de l'un de ses nombreux regards lubriques dont il semblait friand comme s'il voulait peindre un tableau d'elle dans sa tête.

Soudain elle sentit une pression contre sa mâchoire. Elle leva les yeux et ne rencontre que ceux de Nuage Pourpre ou l'on lisait de l'amusement et comme toujours, de la cruauté. Elle tenta de secouer la tête mais la pression était trop forte. Son repas remonta brusquement dans sa gorge. Elle était à deux doigts de vomir. Stigma était loin d'être laid. Il était même pas mal dans son genre, grand, musclé finement, flamboyant. Mais il dégageait une telle aura maléfique et ses actes étaient d'une telle atrocité que rien que le fait de le frôler lui donnait la nausée. Alors sentir sa langue forcer le barrage de ses dents la révulsait entièrement. Le fait qu'elle était guérisseuse la scandalisait encore plus mais ne l'étonnait pas. Il n'était pas du genre à croire au Clan des Etoiles et n'avait donc aucun respect pour eux.

Le sol disparut soudain de sous ses pattes. Une douleur cuisante et un tiraillement la saisit. Il l'avait empoignée et suspendue au dessus du vide. Elle se débattait comme une poupée de chiffon. Ou trouvait-il la force pour la suspendre ainsi? Elle était légère mais quand même. La guérisseuse ne fut pas plus soulagée lorsqu'il la reposa sur la terre ferme. Il avait voulu l'effrayer mais elle savait que c'était un avant goût de ce qu'il allait lui faire. Elle se lissa sa belle fourrure pour ralentir les battements frénétiques de son coeur.

Le sol se déroba de nouveau sous ses pieds mais cette fois rien ni personne ne la retenait. Elle tombait. Elle fixa avec effroi la silhouette du sanguinaire qui s'éloignait à toute allure. Il fallait qu'elle arrive à se tourner. Elle y mit toute sa force et eu juste le temps d'apercevoir le sol fonçant vers elle. Il y eut le choc et une douleur poignante. Puis ce fût le noir total.

Elle se réveilla sur le rocher ou elle se tenait quelques instants plus tôt avec Nuage Pourpre. Cette fois il y avait une autre personne. Ses long cils papillonnèrent. Elle ne connaissait pas la chatte qui se tenait en face d'elle. Elle était d'un noir d'encre avec quelques touches de blanc et d'immenses yeux azurés.

«- Ah. Ça y est, je suis morte? Bon, ça au moins c'est fait.»

Et elle pouvait de nouveau parler.

«- Haha bien tenté mais non, t'es pas morte. En fait t'es juste évanouie pour quelques secondes.»
«- Ah...bon ben j'imagine que c'est tant mieux...je me suis gravement blessée?»
«- A peine une patte avant foulée et une griffe éraflée, sans compter les nombreux hématomes que t'auras demain sur un peu tout le corps mais c'est un détail.»

Cette chatte l'intriguait fortement. Elle semblait être dotée d'un caractère amusant mais qui pouvait s'embraser à la moindre étincelle. Elle ne pensa même pas à lui demander qui elle était mais une autre idée lui vint en tête.

«- Vous pouvez me rendre ma langue? Je n'en peux plus de rester muette.»
«- Ton prince charmant roux te la recouperait aussitôt idiote. Mais si tu veux je peux te redonner la parole pour une phrase.»
«- Vous pourriez vraiment?»
«- Non c'est pour ça que je le te propose!»

Elle se réveilla à nouveau sous le soleil d'hiver sa patte lui faisant un mal de chien mais elle s'en fichait. Elle pouvait dire une phrase. Une phrase!

« Reviens put.ain. »

Nuage Pourpre était penché au dessus d'elle, une lueur d'inquiétude dans le regard. Inquiétude? Il était malin! Il tentait de la tuer et après il avait des remords! Il était comique à voir, son expression à mi-chemin entre celle du gamin impatient et celle du mec éploré. Silence de la Lutine tourna lentement son regard saphir vers lui. La peur avait presque disparue d'elle. pour le moment du moins. Elle se sentit tout à coup facétieuse comme une lutine. Un sourire ironique s'étira lentement sur sa bouche. Elle savait parfaitement quoi dire.

« Mais je ne suis jamais partie, bâtard. »

Elle ponctua cette phrase en lui crachant au visage.

S